L’ ARME DU RADAR LA GUERRE DES ONDES
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le radar joue un rôle essentiel dans la conduite des opérations militaires, tant sur le plan défensif qu’offensif. A partir de 1937, l’Angleterre se dote d’un réseau de surveillance électronique efficace : la Chain Home Line. Ce système de radio détection permet aux Britanniques d’affronter les attaques de la Luftwaffe au cours de l’été 1940 et de remporter la Bataille d’Angleterre. En 1939, les Allemands disposent de trois types d’appareils de radio détection. La Marine utilise le Seetakt sur les côtes et ses navires de surface, tandis que les armées de terre et de l’air s’équipent de Freya et de Würzburg pour le repérage aérien. Ces équipements leur procurent une supériorité technologique sur les Britanniques. La guerre des ondes est déclarée, d’abord dans le domaine de la défense anti-aérienne, puis dans toutes les formes de combat, terrestre, maritime et aérien.
Une nouvelle arme, le radar
La télédétection, ou radar, est un système qui utilise les ondes électromagnétiques pour détecter et déterminer la distance d’avions ou de navires. Un émetteur envoie des ondes radio réfléchies par la cible. Elles sont ensuite détectées par un récepteur. La position est ainsi estimée grâce au temps de retour du signal qui indique la distance. L’idée de repérer un objet à distance se concrétise grâce aux travaux de l’Allemand, Christian Hülsmeyer qui utilise en 1904 les ondes électromagnétiques, découvertes par Hertz. Puis, dans les années 20 et 30, des découvertes en électronique rendent possible le développement d’un système opérationnel que les Britanniques appellent Radio Detection Finding (RDF) puis Radiolocation, et que les Américains rebaptiseront Radar en 1943 : Radio Detecting And Ranging. Les Allemands parlent d’abord de De-Te, Dezimeter Telegraphie, puis de Funkmeßgerät. Ce que l’on appelle alors “Détecteur électromagnétique” consiste à détecter l’écho d’un système d’ondes émises. Mais si l’on peut repérer la présence d’un avion ou d’un navire, les chercheurs ne savent pas encore positionner la distance ou l’altitude. C’est à partir de 1934 que les ingénieurs maîtrisent cette technique d’émission et de réception d’impulsions brèves. La mesure séparant l’émission de la réception permet alors d’évaluer la position de l’objectif. Au cours des années trente, les scientifiques anglais, allemands, français et américains se livrent alors à une véritable guerre des ondes. Mais chaque pays ignore l’état d’avancement des recherches de l’autre. Si jusqu’en 1935, l’application dominante reste l’aide à la navigation, les Britanniques sont les premiers à développer un réseau intégré de stations de détection aérienne couvrant leurs côtes orientales.
Portrait
Christian Hülsmeyer, le théoricien du radar (1881-1957)
Cet inventeur allemand met au point un appareil de détection des navires dans des brouillards très enses à l’aide d’ondes radio. Il obtient un brevet en 1904 pour son “Telemobiloskop”. Il s’agit d’un émetteur produisant une onde radio orientée par une antenne multipolaire. Lorsque l’onde frappe un obstacle métallique, elle est réfléchie vers la source émettrice où deux antennes dipolaires servent de récepteur. Ce système détecte un navire jusqu’à trois kilomètres. Le principe du radar est né. © DR
LA GUERRE DES ONDES CÔTÉ BRITANNIQUE
En 1932, le Ministère de l’Air britannique affirme qu’il n’existe aucune possibilité de se défendre contre une attaque de bombardiers ennemis. Le Premier Ministre Stanley Baldwin déclare “Quoi que nous fassions, ils passeront toujours”. En effet, depuis la Première Guerre Mondiale, les bombardiers ennemis peuvent voler au-dessus de la portée des canons de DCA, alors que des aérodromes ennemis se situent à moins d’une heure de vol du sol anglais.
Des miroirs acoustiques à la Chain Home Line
EN JUIN ET JUILLET 1917
Des bimoteurs allemands Gotha possèdent une autonomie suffisante pour attaquer Londres et rentrer ensuite à leur base. Les appareils ennemis ont ainsi toute latitude pour effectuer leur raid et repartir avant d’être interceptés par les avions de chasse. De plus, les Britanniques ne peuvent maintenir en vol des escadrilles de façon permanente. Jusqu’à présent, la seule technique de détection repose sur les miroirs et les murs acoustiques, capables d’amplifier le son d’un avion. Elle date de la Première Guerre mondiale et son efficacité reste douteuse. Les Britanniques doivent donc trouver un moyen novateur pour repérer l’ennemi à temps afin que les escadrilles de chasse “se trouvent au bon moment au bon endroit”.
EN 1934
Le professeur Harry Wimperis, directeur de la Recherche Scientifique au Ministère de l’Air, crée un comité pour l’étude scientifique de la défense aérienne. Il est présidé par Henri Tizard, un physicien britannique de grand renom. Ce comité est à l’origine d’un retournement de situation décisif. En effet, Wimperis consulte l’ingénieur écossais Robert Watson-Watt, alors superintendant du Département radio au National Physical Laboratory de Slough. Celui-ci se met au travail et le 12 février 1935, il publie un mémorandum remarquable intitulé Détection et localisation d’avion par méthodes radio. Il y décrit un système utilisant des ondes radio réfléchies pour détecter et positionner des cibles mouvantes.
Portrait
Sir Robert Alexander Watson-Watt
(1892-1973)
Dès la déclaration de guerre en août 1914, il intègre le War Office où il est affecté à la Branche Météorologique du Royal Aircraft Establishment de Farnborough. Durant le temps libre que lui laisse la routine des relevés météo, il étudie les parasites atmosphériques que génèrent les zones orageuses. Il met ainsi au point un détecteur d’éclairs directif pour localiser les orages. Il multiplie ses observations et s’installe à Slough en 1924, où il rejoint les chercheurs en radio du National Physical Laboratory. Il en deviendra superintendant en 1933. © IMPERIAL WAR MUSEUM
LE 26 FÉVRIER 1935
Robert Watson-Watt organise une démonstration au cours de laquelle son système repère un bombardier à plusieurs occasions. Le signal est émis par un émetteur placé à environ 10 km d’une antenne à onde-courte de la BBC à Daventry.
LE 2 AVRIL
Il dépose un brevet pour le RDF, Radio Detection Finding. Son système peut alors repérer un avion à 100 kilomètres de distance. Un premier réseau de radar est commandé par le Ministère de l’Air et portera le nom de Chain Home Line.
DÈS 1937
Les cinq premières stations de repérage métrique à longue portée sont opérationnelles autour de Londres.
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La Chain Home Line, un système rustique mais efficace
Depuis le 1er avril 1939, la Chain Home assure la surveillance aérienne de façon continue de l’ile de Wight jusqu’à l’Ecosse. Le système est techniquement rustique. Contrairement aux radars allemands, il n’y a pas d’antennes tournantes envoyant un faisceau d’énergie radioélectrique en “phare”, tout en écoutant les échos. Les quatre antennes fixes émettent en couvrant un angle d’une centaine de degrés. Ce réseau utilise une fréquence comprise entre 20 et 30 MHZ, soit une longueur d’onde de 15 à 20 mètres. Le réseau de réception est quant à lui composé de quatre antennes fixes à angle droit reliées à un goniomètre. Ces antennes ont une sensibilité directionnelle, et selon l’azimut
de la cible, l’écho est plus ou moins fort dans l’une que dans l’autre. L’opérateur doit ajuster manuellement un circuit de comparaison pour estimer au mieux la force relative des deux signaux reçus. L’angle vertical de la cible est estimé par comparaison avec la force des signaux reçus dans un autre ensemble d’antennes situé plus près du sol. Le retard de l’écho détermine la distance. Ce système se révèle immédiatement d’une très grande efficacité dès le début de la bataille d’Angleterre. Ainsi, le 12 août 1940, une attaque massive sur les établissements industriels de la Tyne par des escadrilles de Heinkel 111 et de Junker 87 et 88 est déjouée grâce aux stations de la Chain Home Line du nord. Ces dernières fournirent des informations précises à la 13ème brigade de chasse de Newcastle, une heure avant l’arrivée des appareils de la Luftwaffe.
LES BRITANNIQUES RENFORCENT LEUR LIGNE DE DÉTECTION
Couverture radar de la Chain Home Line en bleu et des radars côtiers Chain Home Low en rouge. Pour déjouer les radars, les pilotes allemands volent à très basse altitude. Cette tactique contraint les Britanniques à déployer une seconde ligne de détection le long de la côte : la Chain Home Low, d’une portée plus courte, mais d’une résolution plus grande. Ils doubleront même cette ligne par une troisième, la Chain Home Extra Low en vert.
EN 1939
Dix-neuf stations sont construites et prêtes à assumer un rôle décisif dans la future bataille d’Angleterre qui débute en juillet 1940. La Chain Home Line fournira en effet les informations critiques indispensables aux escadrilles de chasseurs pour intercepter les bombardiers allemands. Ces stations sont d’abord implantées le long de la côte Sud et Est de l’Angleterre, puis sur l’ensemble de la côte, y compris sur les îles Shetland. Il y en aura en tout une cinquantaine à la fin de la guerre.
La Chain Home Line
Il s’agit d’un type 1 implanté à Poling dans le Sussex. A gauche, on distingue les trois tours d’émission qui étaient quatre à l’origine. Les quatre antennes de réception sont visibles à droite. Les antennes d’émission mesurent 110 mètres de haut. Chacune d’elle soutient trois réseaux de six à huit dipôles à polarisation horizontale. La réception se fait sur quatre pylônes de 75 m de haut, situés à quelques centaines de mètres. Ils sont en bois pour ne pas perturber le champ reçu. L’ensemble de la station s’étend sur un hectare.
Non daté / © Imperial War Museum
Une chambre de réception d’une station de la Chain Home Line.
Côte Est de l’Angleterre. A gauche, on distingue une opératrice des WAAF de l’un des deux récepteurs RF7 et à droite la console Mark 3. Les informations sont immédiatement transmises à un centre d’exploitation et présentées en temps réel dans une salle de commandement tactique, la Filter Room. Ce regroupement permet de présenter la situation aérienne aux officiers du Fighter Command.
Non daté / © Imperial War Museum
La salle d’opération du N° 10 Group Headquater, Rudloe Manor, Wiltshire
Les rapports émanant des stations côtières sont transmis à une salle des opérations où des opératrices indiquent sur une large carte la position de l’ennemi. Des coordonnateurs relaient ensuite l’information aux escadrilles de chasse par téléphone.
Non daté / © Imperial War Museum
Spitfire Mark IIA en vol.
Basés sur l’aérodrome de Duxford, ils appartiennent à l’Air Fighting Development Unit. C’est le chasseur monoplace le plus utilisé par la RAF, en tant que chasseur d’interception ou avion de reconnaissance.
Angleterre, avril 1942 / © Imperial War Museum
LA GUERRE DES ONDES CÔTÉ ALLEMAND
Jusque dans les années trente, en Allemagne comme ailleurs, l’invention de Christian Hülsmeyer laisse peu de trace. C’est seulement en 1935 que le haut-commandement allemand devient convaincu de l’importance de la radio détection électromagnétique. En février 1936, un premier prototype de radar Freya détecte un avion à 28 kilomètres de distance. En 1938, les Allemands testent le Würzburg, un radar de conduite de tir anti-aérien.
La conception des radars Freya et Würzburg
Front de l’Ouest. Deux opérateurs de la Luftwaffe d’un radar Würzburg FuMG 62C.
1943 / © BArch, bild 101 I – 594 – 0266 – 27
EN 1931
Le physicien Rudolf Kühnhold (1903-1992) travaille pour l’Office de recherche en transmission de la marine allemande à Kiel. Il y développe ses idées sur la localisation par ondes hertziennes d’objet métallique sous l’eau, futur sonar. En 1932, il se rapproche d’une petite firme spécialisée dans l’enregistrement et l’acoustique, la Tonographie, dirigée par Hans-Karl Freiherr von Willisen.
Celui-ci étudie un nouveau tube à champ magnétique mis au point par la société hollandaise Philips, le magnétron. Un an plus tard Kühnhold et von Willisen créent la société GEMA (Compagnie pour l’équipement électro-acoustique et mécanique). Celle-ci se lance alors activement dans la mise au point d’appareils de radio détection.
LE 26 SEPTEMBRE 1935
La GEMA organise avec succès une démonstration officielle devant l’Admiral Raeder, le commandant de la Kriegsmarine et son état-major. A cette occasion, Kühnhold baptise son appareil “DeTe” pour Decimer Telegraph, appelé Funkmeßgeräte, (Appareil de mesure radio) l’année suivante. Cette découverte intéresse vivement le commandement militaire allemand qui décide de lancer un programme de construction d’un réseau de radars.
À LA FIN DE 1936
Le Haut-Commandement de la Luftwaffe commande deux systèmes distincts : un radar de veille aérienne d’une portée de 50 km pour une altitude de 2 000 m ; un radar de DCA, d’une portée de 25 km équipé d’un dispositif d’identification ami-ennemi et d’une conduite de tir automatique. Le prototype de la GEMA répond au premier type. Pour le second, l’armée se tourne vers la firme Telefunken.
EN 1937
Un premier appareil est produit, l’A1-Gerät Freya, du nom d’une déesse nordique. Mais en septembre 1939, l’Allemagne ne dispose que de sept Freya. Ils sont déployés sur les côtes de la Mer du Nord et dans les îles de la Frise. C’est à partir de juillet 1940 qu’ils assureront un rôle efficace dans la défense allemande avec des versions constamment améliorées. A la fin de la guerre, deux mille Freya auront été produits.
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Freya FuMG 80
Apparemment, le développement des radars en Allemagne semble nettement moins prioritaire qu’en Grande-Bretagne. Le radar Freya est pourtant déjà bien plus évolué du point de vue technique que son
équivalent britannique Chain home. Sa silhouette caractéristique est dominée par une grande antenne Tannebaum de 6,2 x 7,4 m, composée de deux réseaux de dipôles sur un panneau commun orientable sur 360° autour de son axe vertical. L’antenne est fixée sur une base compacte qui contient tous les équipements et les organes de commande. Le Freya utilise une longueur d’onde de 1,2 m, alors que Chain home fonctionne sur une longueur d’onde de 12 cm. Ceci augmente de façon importante la résolution du Freya, ainsi que son pouvoir de détection d’objets bien plus petits. Il diminue également l’encombrement des antennes. Sa portée de détection s’étend de 80 à 120 km pour les avions.
Sentinelle allemande devant un radar Freya. Non daté.
© BUNDESARCHIV
LE 18 DÉCEMBRE 1939
Une attaque de jour effectuée par dix-huit bombardiers Vickers Wellington de la RAF est détectée par deux appareils Freya à 113 km de distance. Les chasseurs allemands sont dirigés sur les bombardiers par radio. Seule la moitié des Wellington rentrent en Grande-Bretagne sans dommages. Suite à ce succès, la Luftwaffe fait installer 11 appareils Freya pour protéger la frontière Ouest de l’Allemagne au cours du printemps 1940.
EN 1939
La firme Telefunken met au point le FuMG 62, plus connu sous le nom de Würzburg A. A côté du Freya, il fait figure de petit radar avec son antenne de trois mètres de diamètre commune à l’émission et à la réception. Ses dimensions réduites permettent de le monter sur un châssis léger et mobile.
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Le radar Würzburg FuMG 62 ou FuMG 39 T
est le premier système de radar au sol pour le guidage de tir. Il utilise un seul réflecteur parabolique de 3 m de diamètre pour l’émission et la réception orientable sur un axe de 90° et l’autre de 360°, ce qui constitue une véritable innovation.
Le Würzburg A est utilisé manuellement et les opérateurs doivent eux-mêmes poursuivre la cible en conservant un maximum de signal sur l’écran de leur oscilloscope. Mais la force du signal variant toute seule pour différentes raisons, le système n’est pas très précis. Dès que la cible est approximativement repérée, il faut utiliser un projecteur pour déterminer la position exacte de la cible. Tous les éléments électroniques sont situés dans une baie située directement sous la parabole. Sur le côté, une extension en forme de baquet loge les organes de commande ainsi que le siège de l’opérateur principal.
France. Côte de la Manche. 1942.
© BArch, bild 101 I – 621 – 2930 – 32
LE 9 AVRIL 1940
Telefunken organise une démonstration réussie devant des généraux de la Luftwaffe et un premier radar est installé dans la Rhur à proximité d’une batterie anti-aérienne. En mai 1940, il repère un raid de bombardiers anglais au-dessus d’Oberhausen et transmet ses données à la Flak qui abat un des avions.
Portrait
Sir Robert Alexander Watson-Watt
(1892-1973)
Lorsque la Royal Air Force lance ses premiers raids nocturnes de bombardiers sur les territoires du Reich en 1940, le haut commandement allemand réagit et nomme Josef Kammhuber (1896-1986) inspecteur de la Luftwaffe et Commandant en chef de la chasse de nuit (Nachtjagd). Il crée la ligne “Kammhuber” le long des côtes françaises, belges et hollandaises. Ce système de défense combine radars, projecteurs, unités de FLAK et escadrilles de chasse. La Luftwaffe associe alors au Freya le Würzburg A FuMg 39 (Flak) T/A. Celui-ci mesure avec précision le relèvement, c’est-à-dire l’orientation géographique des avions détectés, le site ou l’altitude et la distance. Il constitue donc une menace très sérieuse pour les bombardiers britanniques.
Le Major-General Joseph Kammhuber. 1941.
© BArch, bild 146 – 1985 – 017 – 3
SUR LA PISTE DES RADARS ALLEMANDS
En novembre 1940, Reginald Jones, un physicien de 28 ans travaillant pour le Département Scientifique du Ministère de l’Air reçoit un mystérieux colis. Expédié depuis la Norvège, il contient un rapport décrivant des innovations militaires allemandes. Parmi celles-ci, l’auteur évoque l’existence d’une antenne parabolique de radio détection. Intrigué, Jones recoupe ses informations et conclut à l’existence d’un système de détection implanté par les Allemands sur les côtes de l’Europe occupée.
Des informations capitales
EN SEPTEMBRE 1939
Reginald Jones, docteur en physique de l’Université d’Oxford, est détaché du Département d’Information Scientifique du Ministère de l’Air auprès du service de renseignement de la RAF, l’Air Intelligence. Son supérieur, le Lieutenant-colonel Frederik Winterbothan, lui confie une mission pour évaluer l’état des renseignements sur les innovations militaires allemandes. Jones enquête auprès de différents ministères et services, sans résultats précis.
Portrait
Reginald Victor Jones (1911-1997)
Après un doctorat à l’Université d’Oxford, il rejoint en 1936 le Royal Aircraft Establishment dépendant du ministère de l’air britannique à Farnborough. Nommé Officier scientifique, il se consacre aux problèmes de défense du territoire. En septembre 1939, Jones rejoint la section du renseignement du ministère du MI6, et devient rapidement l’assistant-directeur des services scientifiques du renseignement aérien. Là, il étudie minutieusement le potentiel d’innovation de l’armée allemande, dont la machine à coder Enigma. Le 11 juin 1940, Jones déchiffre un message Enigma dans lequel il découvre que les Allemands disposent d’un système de guidage radio pour bombarder l’Angleterre, le X-Gerät. En novembre 1940, il parvient à identifier les ondes radios utilisées par les Allemands pour leurs bombardements de nuit. En 1941, Jones est nommé Officier scientifique principal avec le titre de Sous-directeur des Renseignements scientifiques, poste qu’il conservera jusqu’à la fin de la guerre.
© DR
EN NOVEMBRE 1940
Reginald Jones reçoit un mystérieux colis en provenance de l’ambassade britannique à Oslo. A l’intérieur, il découvre un tube de verre électronique et un document dactylographié de sept pages, le “rapport d’Oslo”. Ce document est rédigé par Hans Ferdinand Meyer un scientifique allemand anti-nazi, travaillant pour la firme Siemens. Jones découvre avec intérêt des innovations mises au point par la Werhmacht : des torpilles magnétiques, des fusées de 800 mm stabilisées par gyroscope, les futurs V1, un système de guidage des bombardiers par ondes hertziennes. Il apprend également l’existence d’un important centre de recherche militaire à Rechlin près de Berlin.
Portrait
Christian Hülsmeyer, le théoricien du radar (1881-1957)
Mais deux informations retiennent toute son attention. Tout d’abord le repérage et l’interception de bombardiers de la RAF au nord de l’Allemagne en septembre 1940 à 120 km de distance par un appareil de radio détection installé sur l’île de Wangerooge. Enfin, le rapport dévoile l’existence d’une antenne parabolique opérant sur une longueur d’onde voisine de 50 cm. Jones recoupe ses informations et en conclut rapidement que les Allemands disposent d’une chaîne de détection semblable à la Chain Home Line. Il alerte les ministères de l’Armée de terre, de l’air et la Marine, mais se heurte à leur scepticisme. Il lui faudra près de 15 mois pour enfin convaincre les autorités militaires britanniques de l’existence de stations de radars installées des côtes de la Norvège à la frontière espagnole.
Jones poursuit activement ses investigations et découvre le nom du radar allemand dans un échange radio entre deux chasseurs Messerschmitt : le Freya. Pour le trouver, il se rapproche du Lieutenant-colonel Geoffrey Tuttle qui commande le P.R.U, la N°1 Photographic Reconnaissance Unit, implantée sur l’aérodrome de Benson non loin d’Oxford. A une dizaine de kilomètres plus au sud à Danesfield, la Photographic Intelligence Unit (PIU) a pour mission d’interpréter les photographies aériennes sous l’autorité du Squadron Leader Claude Wawel.
EN JANVIER 1941
Wawell montre à Jones et à son collaborateur Charles Frank, deux photographies prises en Normandie à Auderville, près du Cap de la Hague dans la presqu’île du Contentin. Après un examen minutieux, Jones et Franck demandent au PRU d’envoyer une nouvelle mission de reconnaissance sur le site.
Sur l’aérodrome de Benson dans l’Oxfordshire, un technicien de la RAF charge une caméra de type F.8 Mark II à bord d’un Supermarine Spitfire PR Mark IV.
Non daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Un Sptifire PR Mark VII de la “B” Flight
N° 1 Photographic Reconnaissance Unit.
Angleterre, février 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Les deux radars Freya d’Auderville,
près du cap de la Hague. Cette photographie est prise à basse altitude par le Flight Pilot W. Manifould à l’aide d’une caméra F.24. On distingue nettement les grandes antennes verticales rotatives dans leur encuvement.
France, 22 février 1941 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Le Flight Pilot William Manifould photographie pour la première fois deux radars Freya, les fameux FuMG 39G. Jones découvre une grande antenne rotative d’environ six mètres de large et sept mètres de haut, constituée de deux panneaux verticaux, l’un pour l’émission, l’autre pour la réception. Jones contacte le Telecommunication Research Establishment, à Worth Matravers pour approfondir ses recherches.
LA LOCALISATION DU WÜRZBURG 110
Au printemps 1941, les Britanniques poursuivent activement leurs recherches. Des avions équipés de puissants récepteurs sillonnent les côtes de la Manche, tandis que les services de renseignements analysent de plus en plus finement les signaux émis par les radars Freya. Les Britanniques parviennent ainsi à localiser précisément les stations implantées sur les côtes de l’Europe occupée. Mais des signaux émis sur une autre fréquence semblent signaler l’existence d’un nouveau type de radar.
L’hypothèse d’un nouveau type de radar
Reginald Jones reçoit le renfort de Derrick Garrard du Telecommunication Research Establishment. Il sillonne la côte sud-est de l’Angleterre en voiture, équipé d’un Hallicrafter S-27. Ce récepteur américain très performant lui permet de repérer les signaux émis par les Freya du site d’Auderville. Les Britanniques en concluent que ces radars peuvent déceler des appareils à une distance de 90 à 150 km. Mais, a priori, ils sont incapables de localiser des avions volant au dessous de 450 mètres d’altitude, ni d’en déterminer l’altitude et la position précise. Reginald Jones en déduit que les Allemands possèdent un second type de détecteur plus précis, capable de couvrir l’espace en dessous de 450 m et de déterminer l’altitude.
Un des deux radars Freya
installé par les Allemands près du Cap d’Antifer. Cette photo a été prise à la verticale du site par un des Spitfire de la PRU (Sortie T/953).
© DR
AU PRINTEMPS 1941
Les balayages radio depuis la côte et les rapports des bombardiers équipés de récepteurs Hallicrafters S-27 confirment l’existence d’un second type d’appareil de détection en complément du Freya. Ces signaux proviennent du Danemark, de Hollande, du Cap Gris-nez, de Calais, de Poudallezeau dans le Finistère et de Pourville près de Dieppe. Des vols de reconnaissance sont organisés pour détecter, intercepter et étudier en vol les signaux radioélectriques. Les stations du sud de l’Angleterre et les avions finissent par capter des fréquences de 560 à 570 Mc provenant de La Poterie Cap d’Antifer au nord du Havre, en Normandie. Les Anglais en déduisent que les Allemands possèdent une avance technologique et concluent que cet engin n’utilise qu’une seule antenne émettrice-réceptrice grâce à un duplexeur, l’une des pièces essentielles des radars modernes.
Portrait
Charles Frank
Ami et collaborateur de Reginald Jones. Il s’intéresse plus particulièrement aux images stéréoscopiques de la photo n°23. “Un chemin long de quelques centaines de mètres semblait quitter en direction du sud l’emplacement qu’occupaient les radars. Il y avait une vaste villa située plus loin, en bordure de falaise vers Bruneval”. Le chemin conduisant à la villa se poursuit vers la falaise, jusqu’à “un petit objet noir”. © DR
LE 15 NOVEMBRE 1941
Des photos des radars Freya d’Antifer sont prises à basse altitude par les avions de la PRU. Charles Frank repère sur l’une d’entre elles une curieuse petite tâche noire. Jones demande d’autres photos du site. Le Squadron Leader Tony Hill se propose pour la mission et décolle de l’aérodrome de Benson le 4 décembre 1941. Il survole Antifer et effectue deux passages en rase-motte, à la recherche d’un objet qui ressemble à un “très gros radiateur électrique”. Malheureusement, les caméras de son Spitfire refusent de fonctionner. Il y retourne le 5 décembre et cette fois rapporte deux clichés exceptionnels. Jones découvre alors le Würzburg A installé au sommet de la falaise à quelques dizaines de mètres de la villa.
Le Squadron Leader Anthony Hill
en tenue de vol devant son Spitfire. Les prises de photos aériennes obliques étaient les plus difficiles à prendre. Les caméras F24 sont placées sur les côtés de la carlingue de l’avion. Seul un entrainement intensif permet aux pilotes de connaitre approximativement le champ que couvrent leurs caméras et d’y intégrer la zone à photographier. Le pilote doit plonger vers l’objectif à 450 km/h, à 15 mètres du sol et le plus souvent sous les tirs de Flak.
© DR
La photo N° 23
sur laquelle Charles Franck et Reginald Jones repèrent un “petit objet noir”, le radar Würzburg 110. Cette photo est à l’origine de l’opération Biting.
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Une photo exceptionnelle
Pour prendre cette photo, Tony Hill s’est dirigé vers le cap d’Antifer hors du champ de détection du Würzburg 110. Arrivé à hauteur de Bruneval, il effectue un virage à 90° pour foncer au ras des flots sur sa cible. Il fonce sur la falaise et monte ensuite presque à la verticale avant de surgir sur le plateau et prend son premier cliché. Il effectue un second passage avant de reprendre de l’altitude vers l’Angleterre. Sur cette photo exceptionnelle, on distingue nettement le Würzburg 110 situé entre la villa Gosset et le poste d’observation en bordure de falaise.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
Une photo exceptionnelle
Gros plan du radar
Il est situé dans un encuvement légèrement en hauteur accessible par quelques marches. Sur cette photo, on distingue la cabine de commande du Würzburg sur la gauche.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
Parole d’expert
“J’examinais les clichés qu’avait pris Tony.
L’émetteur Würzburg était installé au sommet d’une falaise de 120 m et un chemin descendait en pente douce jusqu’à une petite grève. J’avais parfois remarqué des lieux-dits, « Descente des Anglais », sur les cartes côtières françaises imaginant qu’un jour des forces britanniques en maraude avaient débarqué là et qu’il était possible d’ajouter un lieu similaire dans la vallée de Bruneval. L’idée d’un raid était tentante, je ne le nie pas, mais des considérations majeures me retenaient. En premier lieu, il me répugnait de risquer des vies, à moins que cela ne soit absolument nécessaire” Reginald Jones © DR
UNE IDÉE DE RAID INÉDIT
Plutôt que de détruire le radar, Reginald Jones imagine de s’en emparer. Son objectif est d’évaluer précisément le niveau technologique des Allemands, de trouver un système de brouillage efficace et surtout de permettre aux chercheurs alliés de rattraper leur retard en matière de radiodétection. En décembre 1941, l’Etat major de l’Air contacte le Commandement des Opérations Combinées, dirigé par le Vice-amiral Lord Louis Mountbatten pour organiser un raid totalement inédit.
Hiver 1941-1942 : un contexte favorable aux coups de mains
À LA FIN DE L’ANNÉE 1941
Les Britanniques sont clairement sur la défensive et reculent sur la plupart des fronts sauf en Afrique du Nord. En Libye, leurs troupes tiennent bon à Tobrouk et contraignent l’Afrika Korps de Rommel à se replier sur l’Egypte. Mais dans l’Atlantique nord, les U-boote infligent de lourdes pertes aux convois alliés. En Asie, Hong-Kong tombe aux mains des Japonais qui menacent Singapour et la Malaisie. En Europe occidentale, l’Angleterre se retrouve seule face à l’Allemagne triomphante. Les actions envisagées par le haut-commandement se limitent donc à des raids sur les côtes de l’Europe occupée et des attaques aériennes opérées par les escadrilles du Bomber Command sur l’Allemagne. Mais les radars allemands causent chaque mois la perte de nombreux avions britanniques abattus par la chasse ou la Flak. En octobre 1941, près de 120 bombardiers anglais sont détruits.
Le 9 juin 1940, Winston Churchill décide la création de petites unités : les commandos.
Surentraînés et puissamment armés, ils ont pour mission d’opérer des raids rapides et meurtriers sur les côtes de l’Europe occupée. Dix unités de 500 hommes chacune, les Troops, sont constituées et opèrent dans le cadre des Opérations Combinées. Ils exécutent des raids en Norvège en 1941 : sur les îles Lofoten en mars et le port de Vaagsoo en décembre. Ils multiplient également les incursions sur les côtes françaises dès le mois de juin 1940. Les commandos effectueront plus de 45 raids, plus ou moins importants, entre 1940 et 1944, dont le débarquement de Dieppe en août 1942.
Opération Archery. Ile de Vaagso, Norvège, Décembre 1941 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Trois Vickers Wellington Mark ICs du N° 37 Squadron RAF en formation.
Les escadrilles de bombardiers britanniques subissent de lourdes pertes, causées en partie par l’efficacité du système de radiodétection des allemands.
Non daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Lord Louis Mountbatten, le chef des Opérations Combinées, reçoit un premier rapport émanant de l’état-major de l’Air sur le radar de La Poterie Cap d’Antifer. Créées en juillet 1940, les Combined Operations ont pour mission de coordonner les actions des unités spéciales chargées de harceler les allemands. C’est donc naturellement à cette organisation que revient le soin de planifier le raid. Trois objectifs : s’emparer de certaines pièces du radar Würzburg, les ramener en Angleterre, faire prisonnier des opérateurs allemands.
Portrait
Lord Louis Mountbatten, chef des Opérations Combinées (1900-1979)
Cousin du roi George VI, il commande en 1939 le destroyer Kelly, coulé durant la bataille de Crête. Rentré en Angleterre au printemps 1941 où il attend un nouveau commandement, il est nommé par Churchill Conseiller en Opérations Combinées avec le grade de vice-amiral. Son objectif : préparer la reconquête de l’Europe grâce à des opérations combinant les forces terrestres, navales et aériennes. Il occupera ce poste jusqu’en novembre 1943.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
EN JANVIER 1942
Le maréchal de l’air Sir Philip Joubert de la Ferté, commandant des opérations combinées, organise une série de réunions pour fixer les grandes lignes du raid. Dans un premier temps, le Commandement des Opérations Combinées imagine un débarquement par mer avec des Landing Craft et une attaque par terre de 90 commandos qui rembarqueraient ensuite sous la protection d’un Motor Gun Boat. Mais lorsque les Britanniques prennent connaissance du dispositif de défense allemand, ils renoncent à l’idée d’un assaut amphibie. Lord Mountbatten imagine alors une opération aéroportée de nuit. En effet, les reconnaissances aériennes révèlent de vastes zones dégagées propices à un lâcher de parachutistes entre le Cap d’Antifer, le Tilleul au nord et Saint-Jouin au sud. Mountbatten obtient l’accord des trois chefs d’état-major : l’amiral Alfred Dudley Pound, l’Air Marshall Charles Portal et le général Francis Brooke. Peu favorables au début, ils se rangent finalement à l’avis de Mountbatten sous la pression de Churchill. Ce dernier est conscient de l’importance de la radio détection dans la conduite du conflit. Il est de plus influencé par Lord Cherwell, son conseiller scientifique personnel, proche de Reginald Jones.
Une nouvelle arme : les parachutistes
DÈS JUIN 1940
Impressionné par l’efficacité des parachutistes allemands en Hollande et en Belgique, Winston Churchill réclame la constitution d’un corps aéroporté de 5 000 hommes. A la fin du mois, les régions militaires commencent à recruter des volontaires. En juillet, la RAF crée la Central Landing School à Ringway pour former les futurs parachutistes. Pour le transport et le largage, le Bomber Command fournit quatre Armstrong Whitworth Whiteley MKII, un modèle de bombardier entré en service en 1937 et déjà déclassé.
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La création d’une brigade parachutiste
A la suite de l’opération Merkur, au cours de laquelle 17 000 parachutistes allemands sont largués sur la Crète en mai 1941, les Britanniques développent leurs troupes aéroportées. Fin août 1941, le général de brigade Richard Gale reçoit la mission de constituer la 1st Parachute Brigade qui comptera quatre bataillons. Les trois premiers sont constitués dès septembre et la 11th SAS devient le 1er bataillon. Les volontaires affluent pour créer le 2ème et le 3ème. Le 31 octobre 1941, la 1ère Division aéroportée devient opérationnelle sous le commandement du Major General Frederick “Boy” Browning. Parachutistes embarquant à bord d’un Whitley. Ringway. 1941. © IMPERIAL WAR MUSEUM
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L’opération Colossus.
C’ est le premier raid organisé pour tester l’efficacité de cette nouvelle arme. Le 7 février 1941, trente-cinq hommes du 11th SAS sont parachutés en Italie. La mission de la “X Troop” : détruire l’aqueduc de Tragino en Italie qui alimente les ports d’embarquement de Tarente pour l’Afrique du Nord, Bari et Brindisi. Les résultats sont très mitigés. Si l’aqueduc est détruit, un seul parachutiste échappera à la capture. © AIRBORNE ASSAULT MUSEUM
LE 22 JUILLET 1940
Un premier saut se déroule avec succès et en novembre le Commando n°2 devient officiellement le 11th Special Air Service Battalion (SAS). Il compte alors 250 hommes.
UNE PRÉPARATION MINUTIEUSE NOM DE CODE « BITING »
En janvier 1942, l’Etat-major des Opérations combinées conçoit et planifie minutieusement le raid sur le radar Würzburg de La Poterie Cap d’Antifer, nom de code “Biting”, (“Mordant” ou “Coup de croc”). L’opération est placée sous le haut commandement du Commander-in-Chief Portsmouth, l’Admiral Sir William James. Le Commander F. Cook de la Royal Australian Navy est nommé Naval Force Commander et reçoit pour mission la coordination des forces navales. Le Group Captain Sir Nigel Norman coordonnera les forces aériennes, l’entrainement et la préparation des unités de la RAF pour le raid. Enfin les troupes parachutistes seront commandées par le Major John Frost de la compagnie C du 2ème bataillon de la 1st Airborne Brigade. Pour ce raid d’un genre totalement inédit, les Britanniques combinent les trois armes et utilisent pour la deuxième fois de leur histoire, une force aéroportée.
Un raid à haut risque
Une fois le raid approuvé par Lord Louis Mountbatten, les Britanniques cherchent à recueillir le maximum de informations sur le site du radar et ses environs. Des vols de reconnaissance à basse altitude fournissent des précisions sur la topographie, tandis que le réseau de résistance Confrérie Notre-Dame fournit des renseignements complémentaires. Le radar Würzburg est situé au sommet d’une falaise d’une centaine de mètres de haut. À proximité, une grande villa isolée semble abriter le personnel. La plage par où doivent rembarquer les parachutistes est protégée par des ouvrages défensifs. Des renforts allemands peuvent être acheminés rapidement de Fécamp ou du Havre dans les heures suivant l’assaut. La réussite du raid dépend donc de l’effet de surprise, de l’entrainement des hommes et surtout de l’articulation rigoureuse entre la RAF, la Royal Navy et les forces parachutistes.
Carte de la région La Poterie Cap d’Antifer
Pour concevoir leur raid, les Britanniques s’appuient sur un certain nombre de documents, notamment une vue aérienne de la région prise en juin 1940. Les bureaux de la France Libre de Londres fournissent également des cartes d’état-major françaises au 1/80 000e et 1/50 000e. Par ailleurs, Charles Thomas, un résistant vivant entre Paris et Étretat, fournit des renseignements sur la topographie de la côte, et une carte postale de la villa Gosset datant de 1936. Carte d’état-major.
UN DISPOSITIF OFFENSIF TRÈS COMPLET
Le raid de Bruneval mobilise plus de 2 000 hommes de toutes armes. Aux côtés des parachutistes de la 1ère Brigade aéroportée, fusiliers, sapeurs du génie ou infirmiers, interviendront les aviateurs de la Royal Air Force, anglais, néo-zélandais ou canadiens. Les gaullistes des Forces Navales Françaises Libres agiront conjointement avec les marins de la Royal Navy. Des mitrailleurs du commando numéro 12 et des fantassins du South Wales Borderers et des Royal Fusiliers constitueront les troupes d’appui.
Une coopération inter-armes
La Royal Air Force reçoit une triple mission : larguer, protéger et faire diversion. Elle doit tout d’abord transporter et lâcher les parachutistes de nuit sur leur objectif. Le largage des parachutistes sera assuré par douze appareils du 51st Bomber Command, une unité expérimentée, spécialisée dans les bombardements de nuit sur l’Europe. Elle est commandée par le Wing-Commander Percy Charles Pickard, un jeune pilote de 26 ans, bien connu des Britanniques pour son rôle dans le film de propagande “Target for Tonight”. Deux douzaines de Spitfire du Squadron 401 se relaieront pour couvrir la flottille dans un rayon de 80 km de la côte anglaise. La RAF fournira aussi une couverture aérienne lors du retour de la Compagnie C par mer lorsque le jour sera levé. En complément, au cours de la semaine précédent le raid, des chasseurs-bombardiers du Squadron 23 effectueront des passages à très basse altitude sur Bruneval et ses environs pour obliger les positions de Flak à se dévoiler. Pour brouiller davantage les cartes, ils interviendront sur toute la ligne côtière s’étendant de Ouistreham dans le Calvados jusqu’au Touquet dans le Pas-de-Calais.
Armstrong Whitworth Whitley Mark V du N° 102 Squadron RAF
Drieffield, Yorshire, Mars 1940 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Les cinq membres d’équipage d’un Armstrong Whitworth Whitley Mark V
Ils embarquent à bord de leur appareil. Douze de ces appareils transporteront chacun dix parachutistes. Utilisé pour les raids de nuit, ce modèle de bombardier sera adapté au largage des parachutistes en aménageant une trappe de saut dans le plancher. Le Whitley était surnommé le cercueil volant.
Linton-On-Ousc, Yorshire, 1940 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Le Commandement en Chef des Opérations Combinées demande à la RAF de lui fournir seize Armstrong Whiteworth Whitley MK V. Mais l’Air Chief Marshall Sir Richard Peirse, commandant en chef du Bomber Command se révèle très réticent à détourner autant d’appareils de leurs missions de bombardements. La RAF finit par céder le 25 janvier sous la pression de Mountbatten et de Churchill.
La Royal Navy va escorter la flotille et rembarquer les parachutistes. Le Prins Albert, un ancien ferry belge, assurera le transport des péniches de débarquement et des troupes de soutien. Transformé en Landing Craft Infantry (LCI) en 1941, il transporte six péniches de débarquement (Assault Landing Craft- ALC) et deux péniches de soutien (Landing Support Craft- LSC). Il est commandé par le Lieutenant-Commander Henry Peate et servi par un équipage de 35 officiers et 161 marins. Les barges seront mises à l’eau du Prins Albert au large de la plage de Saint-Pierre en Port au nord de Fécamp. Elles attendront ensuite à quelques distances du rivage de Bruneval pour récupérer les parachutistes. Deux Landing Support Craft armés de canons de 20 mm complèteront la couverture de proximité de la flottille. Photo : Le Landing Craft Infantry (LCI) Prins Albert. Non daté.
Les Forces Navales Françaises Libres vont venir en appui. Cinq chasseurs de sous-marins rejoindront la flottille au large de Bruneval au cours de la nuit de l’opération. Les Q 010 Bayonne, Q 011 Boulogne, Q 042 Larmor, Q 043 Lavandou et Q 013 Calais auront pour mission de couvrir les embarcations pendant l’évacuation et de les escorter jusqu’en Angleterre. Puissamment armés d’un canon de DCA de 75 mm, de canons Bofor et Oerlikon, de mitrailleuses Lewis et de grenades anti-sous-marines, ils pouvaient faire face à n’importe quelle menace venue des airs, de la surface ou sous la mer. Deux contre-torpilleurs escorteront la flottille lors du voyage aller, le HMS Fernie et le HMS Blencathra. Le matin de l’opération, ils seront rejoints par quatre autres navires de même type et attendront la flottille de retour de Bruneval à 50 miles des côtes anglaises. Le Lieutenant-Commander Frederick Cook de la Royal Australian Reserve Navy commandera l’ensemble de la flotille et dirigera toutes les manœuvres maritimes depuis la Landing Support Craft N°1.
Assault Landing Craft
Des parachutistes devant participer au raid de Bruneval s’entraînent à embarquer à bord d’un ALC. Cette petite embarcation mesure 12,30 m de long pour 3,10 m de large. Elle atteint une vitesse de 10 nœuds, avec une autonomie de 150 à 225 km en fonction de l’état de la mer. Avec un équipage de quatre hommes, elle peut transporter trente-cinq soldats.
Février 1942 / © PARADATA
Le soutien des troupes d’appuis
Des mitrailleurs du commando N°12, deux sections de fantassins des South Wales Borderers et des Royal Fusiliers embarqueront à bord des ALC. Armés de fusils-mitrailleurs Bren et de fusils anti-char Boys, ils couvriront et renforceront les parachutistes lors de la phase de rembarquement.
Février 1942 / © PARADATA
Le Landing Craft Infantry (LCI) Prins Albert
Non daté / © DR
Vedettes rapides Motor Gun Boat Fairmile C
Cinq de ces MGB assureront la protection du Prins Albert et des péniches de débarquement : MGB 312, 315, 316, 317 et 326. Elles devront récupérer les parachutistes, le matériel capturé et prendre en remorque les ALC jusqu’en Angleterre. Rapides et puissamment armées, ces canonnières font partie de la 14ème flottille de MGB commandée par le Lieutenant Commander William Everitt.
MGB Q328 et 330 / Douvres, Non daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
LES HOMMES-CLÉS DE L’OPÉRATION
Le 14 janvier 1942, les Opérations Combinées se rapprochent de la 1st Parachute Brigade et demandent au Major-General Browning et au Brigadier Richard Gale de désigner une compagnie en vue d’une opération combinée. Gale choisit une compagnie de son 2e bataillon, la C. Le 24 janvier, son commandant, le Major John Frost apprend que ses hommes doivent suivre un entraînement spécial. Parallèlement, les Britanniques contactent la résistance française pour obtenir des renseignements sur la zone du radar.
Parachutistes et résistants
La C Company est choisie pour le raid. Elle est composée de nombreux volontaires qui s’engagent dans les parachutistes dès le mois de septembre 1941. Ils viennent des régiments écossais Black Watch Royal Highlands Regiment, Seaforth Highlanders ou King’s Own Scottish Borderers. Une compagnie leur est alors dédiée, la C, qui deviendra la “Jock Company”. Parmi ces hommes se trouvent les lieutenants John Timothy, John Ross, Peter Naoumoff et le Major John Frost.
Neuf parachutistes de la C Company, peu avant le raid de Bruneval.
Debout, de gauche à droite : Pte John Judge, Pte Comroy, Pte P. Mc Cann, Pte Heywood, Pte Higgins. Assis, de gauche à droite : Cpl W. Fleming, Sgt Gregor Mc Kenzie, Sgt Muir, Pte James O’Neill.
Non daté / © PARADATA
Le Major Frost apprend que sa compagnie est retenue pour effectuer une démonstration de saut devant de hautes personnalités militaires et civiles, dont Churchill en personne. Le 24 janvier, Frost et 140 de ses hommes arrivent à Tilshead dans la plaine de Salisbury. Là, l’officier de liaison du General Browning, le Brigade-Major Peter Bromley-Martin, informe John Frost que ses hommes seront parachutés de nuit derrière des défenses ennemies imaginaires. Ils devront capturer et détruire un quartier général ennemi, puis redescendre par une valleuse jusqu’à une plage où des péniches de la Navy doivent les évacuer. Frost ignore alors tout de l’opération Biting. Bromley-Martin finit cependant par lui dévoiler la véritable mission : emmener sa Compagnie sur la côte de la France occupée avant la fin du mois de février. Son objectif est d’amener à pied d’œuvre, protéger et ramener en Angleterre des sapeurs du génie. Ceux-ci doivent démonter et emporter les pièces essentielles du dernier modèle de Radio Location allemand : le Würzburg.
Le Major John Frost (à droite) en discussion avec le lieutenant-colonel John Goshen
L’intendant général de la 1st Airborne Division, à bord du Prins Albert. Militaire de carrière, John Frost (1912-1993) est né à Poona en Inde. Il rejoint le Cameronians Regiment en 1932, dans lequel il sert en Palestine, en Syrie, puis en Irak jusqu’au printemps 1941. Cantonné sur les côtes du Suffolk, il décide de s’engager dans les parachutistes. Après Bruneval, il participera aux campagnes de Tunisie, Sicile et Italie, entre 1942 et 1943. Il sera blessé et fait prisonnier lors de l’opération Market Garden aux Pays-Bas en septembre 1944.
Prins Albert, Portsmouth, 28 février 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Formation des parachutistes
Les premiers sauts sont simulés dans un gymnase, puis depuis un camion en marche et enfin depuis la trappe d’un Whitley dans un vieux fuselage au sol, c’est le Kilkenny Circus. Les sauts suivants s’effectuent depuis la nacelle d’un ballon captif d’une hauteur de 230 mètres. Les futurs parachutistes doivent effectuer huit sauts, individuels et collectifs, de jour et de nuit depuis un Whitley pour obtenir leur brevet.
Entrainement de parachutistes à l’intérieur d’un hangar, Ringway, Août 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
La Résistance fournit de précieux renseignements aux Britanniques pour affiner leur plan. Le War Office prend contact avec le réseau de résistance Confrérie Notre Dame – Castille, dirigé par Gilbert Renault dit Raymond, le futur Colonel Rémy. Ce réseau est alors la seule organisation capable de mener à bien une mission de renseignement d’envergure sur la région de Bruneval. Il dispose de relais au Havre et de l’un des rares postes émetteurs clandestins anglais de type A Mk I. Robert Delattre, dit Bob en est l’opérateur.
Portrait
Gilbert Renault dit Raymond
(1904-1984), chef du réseau Notre-Dame-de-Castille. Le 24 janvier il reçoit le message suivant “- 24-1-42. – A Raymond (code A) N°50 – Questionnaire : Primo, position et nombre mitrailleuse défendant chemin falaise à Theuville, je dis Theuville, sur la côte entre cap d’Antifer et Saint-Jouin, ce dernier étant environ dix-sept kilomètres à vol d’oiseau nord Le Havre. Stop. Secundo, quelles autres défenses. Stop. Tertio, nombre et état préparation défenseurs. Stop. Sont-ils sur qui-vive. Stop. Quarto, où sont-ils logés. Quinto, existence et positions barbelés. Fin”. Gilbert Renault rejoint l’Angleterre dès le 18 juin 1940. Engagé dans les FNFL, il est affecté aux Services de Renseignement et fonde en France le réseau Confrérie Notre-Dame. © MUSÉE DE L’ORDRE DE LA LIBÉRATION
Portrait
Roger Dumont dit Pol
(1898-1943). Les informations collectées par Pol et Charlemagne sont transmises par Raymond le 9 février à Londres : “9-2-42. – De Raymond (code A) N°81.- Affaire Theuville. Stop. Le chemin part d’une plage de galets de vingt-deux mètres entre hautes falaises et va au village de La Poterie en passant par Bruneval. Stop. Primo plage et côte non minées. Secundo, deux mitrailleuses dans première maison près plage. Tertio, barbelés dix mètres épaisseur en bordure cette maison défendant entrée chemin. A cent mètres sur chemin deux barbelés deux mètres d’épaisseur. Quarto, il y aurait deux postes mitrailleuses sur falaises de part et d’autre. Quinto, trente défenseurs sous ordre adjudant-chef remplacés toutes les trois semaines trente-cinq à quarante ans. Stop. A suivre.” Roger Dumont entre en résistance dès juillet 1940. Il rejoint le réseau Confrérie Notre -Dame. Arrêté en avril 1942, il est fusillé en mai 1943. © MUSÉE DE L’ORDRE DE LA LIBÉRATION
Portrait
Charles Chauveau dit Charlemagne
(1912-1993). Suite des informations collectées par Pol et Charlemagne : « -9-2-42- De Raymond (code A) N°82.-Aucun entrainement spécial. Stop. Cinq dans la maison du secundo ci-dessus vingt cinq travailleurs le jour aux abris et blockhaus pour batterie du cap d’Antifer et couchant le soir au restaurant Beauminet dernière maison sur la droite et à cinq cents mètres de la plage juste avant la route Saint-Jouin. Sexto, soixante hommes à la Poterie même classe que ceux du quinto logés dans école et mairie. Septimo, autant à Saint-Jouin. Aucune méfiance. Fin. » Charles Chauveau rejoint le réseau Confrérie Notre-Dame dès le début. © DR
LE 24 JANVIER
Robert Delattre transmet un message codé émanant de Londres à Gilbert Renault. Celui-ci confie la mission à Roger Dumont (Pol), qui se rapproche de l’un de ses amis, Charles Chauveau, dit Charlemagne, membre du réseau. Concessionnaire automobile à Paris, il dispose d’un permis de circulation et d’un domicile au Havre.
AU DÉBUT FÉVRIER 1942
Les deux hommes se rendent à Bruneval où les propriétaires de l’hôtel du Beauminet les renseignent sur les troupes allemandes cantonnées dans le vallon. Puis ils vont sur la plage où une sentinelle complaisante leur permet, à son insu, d’obtenir les informations dont ils ont besoin. Ces renseignements seront transmis à Londres le 8 février. Grace à ces informations précieuses, les Britanniques peuvent affiner leur stratégie.
UN PLAN D’ATTAQUE MINUTIEUX
Cent-vingt parachutistes issus majoritairement de la C Company, répartis en trois pelotons, seront largués de nuit par douze bombardiers Whitley. L’opération est prévue entre le 23 février et le 2 mars, période où la pleine lune coïncide avec une marée montante. Les trois pelotons sauteront à partir de 00h15, à cinq minutes d’intervalle pour faciliter le regroupement au sol dans un vaste champ situé à deux kilomètres à l’ouest du village de La Poterie.
Trois pelotons d’assaut : Nelson, Drake et Rodney
ORGANIGRAMME À TOMBER
MI-JANVIER 1942
Un plan d’attaque est arrêté. Les photos de reconnaissance aérienne, les études cartographiques et surtout les renseignements fournis par la résistance permettent aux Britanniques d’affiner leur plan. Ils disposent ainsi de suffisamment de précisions pour établir des plans reliefs et des maquettes destinés à l’instruction des parachutistes. Chaque peloton accomplira une mission très spécifique au cours du raid.
Maquette de la villa Gosset et du radar Würzburg
100 cm x 0,50 cm. La Photographic Interpretation Unit dispose d’un service de plan relief. Celui-ci conçoit deux maquettes principales pour l’entraînement des parachutistes. L’une au 2 000e présente la villa isolée et le Würzburg, avec tous les détails. L’autre au 5 000e reproduit sur 1,50 x 1,50 m, les environs de Bruneval et La Poterie Cap d’Antifer, avec ses champs et ses chemins. Ces maquettes en bois et papier mâché seront entreposées sous bonne garde au Ministère de la Guerre, puis acheminées dans le plus grand secret au camp de Tilshead.
Non daté / © BBC
Chacun des objectifs reçoit un nom de code. “Henry” désigne le radar Würzburg, “Lone House” la villa Gosset et la ferme de Theuville devient “Rectangle”. Les bunkers allemands situés au sommet de la falaise d’amont s’appellent “Redoubt”, tandis que la villa Stella Maris en bord de mer est dénommée “Guard Room”. Enfin, les tranchées et les points d’appui au bas de la falaise d’aval sont codés “Beach Fort”.
© NOISE/FOND DE CARTE GOOGLE EARTH
Une fois leur mission accomplie, les hommes de la compagnie C rembarqueront à bord de six Assault Landing Craft qui accosteront deux par deux, sous la protection d’une cinquantaine de fusiliers. Les ALC rejoindront ensuite les cinq vedettes rapides, Motors Gun Boats de la 14th Flotilla. Celles-ci récupéreront les parachutistes et remorqueront les péniches jusqu’en Angleterre.
Un ALC sur le Prins Albert
avec des soldats du Royal Fusiliers.
Non daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
UN ENTRAÎNEMENT INTENSIF
A partir du 26 janvier 1942, les hommes de la Compagnie C, rejoints par quelques éléments des compagnies A et B, commencent l’entraînement intensif en vue du raid sur terre, en mer et dans les airs. Ils vont ainsi multiplier les sauts en parachute, apprendre à embarquer à bord des ALC, franchir des réseaux de barbelés et surtout à coordonner leurs actions avec la RAF, la Navy et les troupes de soutien. Mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes.
Des débuts prometteurs malgré des conditions difficiles
DE LA FIN JANVIER AU DÉBUT FÉVRIER
Les hommes de Frost s’entraînent pendant une dizaine de jours dans des conditions climatiques difficiles. On les expédie d’abord quelques jours à Alton Prior dans le Wiltshire. La topographie de cette région évoque en effet les environs de Bruneval : les collines représentent les falaises et le canal de l’Avon, la Manche. Les parachutistes sont regroupés en section, comme le plan d’attaque le prévoit. Les résultats de l’entraînement sont satisfaisants.
Un parachutiste à l’entraînement
Cette photo est postérieure au raid de Bruneval. S’il porte la même blouse de saut, son casque est un Helmet Steel Airborne Troop distribué à partir de juillet 1942. Le casque des parachutistes de l’opération Biting était du modèle Helmet steel P-Type. Il fut fabriqué à partir de janvier 1941 entre 500 et 1 000 exemplaires. Il comportait une bande de caoutchouc qui s’élargissait curieusement sur la nuque, donnant ainsi une silhouette très caractéristique aux “paras” de Bruneval.
Parachutiste armé d’un pistolet-mitrailleur Sten, Ringway, 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Les hommes de la C Company se rendent à Thruxton, un aérodrome situé à 24 kilomètres du camp de Tilshead. Ils rencontrent les pilotes du Wing-Commander Charles Pickard et se familiarisent avec les Whitley MK V du 51st Squadron RAF et les nouveaux modèles de containers. Les équipages s’entraînent de leur côté : vol à 100 km/h à 150 m du sol, parachutage de mannequins, embarquement et placement des parachutistes dans les carlingues, arrimage des mousquetons d’ouverture automatique des parachutes.
LE 9 FÉVRIER
Les sept officiers et les 148 parachutistes quittent le camp de Tilshead pour Inveraray, en Ecosse sur le Loch Fyne pour des manœuvres avec la Royal Navy. Pour des raisons de sécurité, on leur demande d’ôter leurs insignes de parachutistes. Le lendemain, ils s’installent confortablement à bord du Prins Albert où ils rejoignent les fantassins des troupes de couverture et le personnel médical de la 181 Air Landing Field Ambulance. Pendant 5 jours et nuits, les hommes de Frost apprennent non pas à débarquer des ALC, mais à y embarquer sur une plage de galets et dans les vagues. Les exercices se révèlent plus difficiles que prévus. Les ALC peinent à trouver la plage de nuit ou à repérer les fusées éclairantes. Aucun rembarquement de nuit ne donne satisfaction.
Des hommes de la C Company dans un Assault Landing Craft sur le Loch Fyne en Ecosse.
A cette étape de l’entraînement, les parachutistes ignorent encore s’ils doivent s’entraîner à débarquer ou à rembarquer. Sur cette photographie, on note la disparité des coiffures des soldats qui portent encore le Glengarry, le Balmoral ou le calot de leur régiment d’origine. Le béret amarante, la coiffure si caractéristique des parachutistes, ne sera introduit qu’en août 1942. Ils arborent sur leur épaule gauche un cordon jaune, un signe distinctif du 2nd Parachute Batalion.
Février 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Exercice d’embarquement à bord d’un Assault Landing Craft sur le Loch Fyne en Écosse.
Le Major Frost rapporte : “Opérationnellement Inveraray fut un casse-tête permanent […]. Un rembarquement mené de nuit à partir d’une plage bordée de rochers était extrêmement difficile et si le temps devenait mauvais, extrêmement hasardeux. De plus on devait toujours compter sur la marée. Parfois elle descendait. Parfois elle était haute. Parfois elle était basse. Mais elle n’était jamais comme on l’espérait. Et si d’aventure, elle montait ou descendait comme on le voulait le courant portait à la côte”.
Février 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
La compagnie est de retour à Tilshead ou elle reprend ses exercices de saut malgré des conditions atmosphériques médiocres. Quelques jours plus tard, les parachutistes découvrent les deux plans reliefs amenés de Londres dans le plus grand secret par le sergent Alex Gibbins. S’ils permettent une meilleure compréhension de la topographie et de l’opération en général, les hommes ignorent toujours l’endroit et les raisons du raid. Quelques jours plus tard, le Major Frost annonce à ses hommes : “Messieurs, la démonstration est terminée, l’opération commence…”. Les parachutistes savent désormais qu’ils vont sauter quelque part en France.
ENTRE LES 16 ET 22 FÉVRIER
Les entraînements se poursuivent : alternance de sauts et d’exercices avec la Navy sur des plages du Dorset. Mais les résultats restent mitigés, soit à cause du mauvais temps, soit en raison de communications défectueuses optiques et hertziennes ou de problèmes de coordination. Ainsi, Le 16, les parachutistes trempés ne parviennent pas à embarquer dans les ALC. Le 17, la RAF largue une partie des containers au mauvais endroit. Le 18, la mer est trop forte et il faut annuler 48 heures avant le premier jour J possible, le dimanche 22 février.
Des parachutistes de la Compagnie C simulent un rembarquement à bord d’un Assault Landing Craft.
Durant l’entraînement, chaque groupe devait, chacun son tour, rembarquer dans l’un des six ALC qui lui était assigné.
Non daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
La Companie C s’entraîne sur une plage du Dorset.
Cet endroit est choisi par le Major John Frost pour ses similitudes avec la côte du pays de Caux en Normandie. “Un petit convoi de cinq transport de troupes traversait à 70 km à l’heure le sud de l’Angleterre, jusqu’à la côte du Dorset […] La rapidité était essentielle et l’on avait tout juste assez de temps pour nous mettre en position, embarquer, débarquer et rentrer au camp à une heure raisonnable”.
Février 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Le colonel R. Schonland réunit les sapeurs du lieutenant Vernon pour un exercice de démontage d’un RDF de guidage. Ce même jour, un membre du MI9 fait une conférence sur les moyens d’échapper à la captivité.
LE 20 FÉVRIER
Tous les parachutistes sont transférés sur l’île de Wight, où ils sont rejoints par des spécialistes des communications, du déminage, des explosifs. Des éléments du commando n°3 font une démonstration de franchissement de barbelés. Le dernier exercice d’embarquement avec la Navy est un échec. Les péniches échouent à cinquante mètres de la côte et les parachutistes sont contraints de les rejoindre dans l’eau glacée.
LES 21 ET 22 FÉVRIER
Les groupes peaufinent leur préparation : entretien des armes et de l’équipement, franchissement de barbelés ou attaque de points fortifiés.
LE 24 FÉVRIER
La compagnie est mise en état d’alerte, malgré le brouillard.
Parole de para
« On avait calculé qu’il ne restait maintenant que…
quatre jours favorables, du mardi 24 au vendredi 27 février. La lumière de la pleine lune était nécessaire pour nous permettre de reconnaitre le terrain au-dessus duquel nous opérions et les péniches avaient besoin d’une marée montante à l’heure où nous devions embarquer. Pendant ces derniers jours, en plus de l’entraînement nous avions affiné le plan d’intervention au vu des toutes dernières informations reçues : l’emplacement exact et la tâche impartie à chaque nid de défense, la puissance des casernements, les armes et le moral et même le nom de certains soldats allemands nous étaient connus. » Major Frost.
LES ALLEMANDS À LA POTERIE ET À BRUNEVAL
Les services de renseignements britanniques disposent d’informations sur les forces allemandes stationnées dans le secteur de Bruneval et La Poterie Cap d’Antifer. Tandis que les Britanniques préparent activement leur raid, à quelque 200 km de là, les soldats du Luftnachrichten 23, Renseignements aériens de la Luftwaffe, surveillent la Manche à l’aide de leurs détecteurs électromagnétiques : deux Freya et le Würzburg A 110, tant convoité par les Britanniques.
La Poterie – Cap d’Antifer : un site de détection exceptionnel peu protégé
Un Späher, guetteur allemand.
Il servira à La Poterie. Il dispose d’un téléphone de campagne type 33 (à ses pieds), d’une paire de jumelles d’observation sur trépied et d’un Teilring-Scheibe, un cadran circulaire qui permet de déterminer l’axe de direction des avions ennemis.
1941 / © Alain Millet. Heimdal
EN JUIN 1940
Les troupes des renseignements aériens de la Luftwaffe s’installent dans le secteur de La Poterie Cap d’Antifer. Une petite unité de repérage occupe le hameau de Theuville. Elle est commandée par l’Unteroffizier Eduard Bergmann. Sa mission consiste à détecter et faire intercepter par la chasse basée à Octeville les appareils britanniques qui survolent la Manche. Au cours de l’hiver 1940-1941, un premier radar est installé à proximité d’une position de Flak à La Poterie – Cap d’Antifer : un FuMG 39L Kurpfalz.
AU PRINTEMPS 1941
Les Allemands fortifient leur ligne de défense face à l’Angleterre et installent deux nouveaux radars à Antifer, le Würzburg A W110 et le Freya F10. L’unité s’étoffe et devient la 2ème Compagnie de repérage du 23ème régiment de repérage aérien (Luftnachrichten Regiment). Le sous-officier Eduard Bergmann est Geräteführer (chef de radar) du Freya F10 d’Antifer. Les sergents Rudolf Lang et Gerhard Wenzel commandent le W110, un modèle déjà ancien qui ne possède pas encore de cabine de commande fermée. Celle-ci sera installée quelques mois plus tard, en novembre
Un radar Würzburg
sur les cotes de la Manche.
France, 1942 / ©
Près de quatre-vingt incursions d’avions anglais sont repérées par les radars. Vers la fin de l’année 41, un second Freya, le F11, vient renforcer le dispositif à une cinquantaine de mètres du précédent. L’ensemble de la station comprend environ soixante hommes et trois appareils de radiodétection. Elle est commandée par le Leutnant Joachim Ruben, cantonné à Étretat.
Soldats du Luftnachrichten Regiment devant le bâtiment principal de la ferme de Theuville en 1942
Cette photo est postérieure au raid de Bruneval, mais contemporaine de celui de Dieppe (août 1942). Les troupes de la Luftwaffe, médiocrement armées, ne sont pas entraînées pour résister à l’assaut d’attaquants déterminés. Au mieux, elles pouvaient tenir suffisamment longtemps pour permettre l’arrivée de renforts d’infanterie.
Non daté / © COLLECTION J.P. DUBOSQ
Soldats de la Luftwaffe en poste sur l’un des radars Freya de la station d’Antifer
Cette photo est postérieure au raid de Bruneval mais traduit bien l’atmosphère de décontraction qui régnait dans la station. Les tours de veille sont organisés en quart : 8h00-13h30, 13h30-19h00 puis 19h00-8h00 en deux équipes de nuit qui se relaient à 1h00 du matin. Trois fois par jour, un camion bâché fait la navette entre Étretat et la ferme Gosset.
Non daté / © COLLECTION J.P. DUBOSQ
Opérateur d’un radar Würzburg D
sur le site de La Poterie Cap d’Antifer. Après le raid de février 1942, le site de La Poterie Cap d’Antifer devient une importante base de radars. Elle prend le nom d’Auerhahn (coq de bruyère) et comptera cinq radars.
1943 / © BArch, bild 101 I – 594 – 0265 – 06
La 336.Infanterie Division du Général Johan Joachim Stever occupe une zone côtière qui s’étend en profondeur du Havre à Sotteville-sur-Mer (Dieppe) en passant par Bolbec.
EN FÉVRIER 1942
Les 18 km de côtes entre Fécamp et la valleuse de Bruneval sont défendues par le 1er Bataillon de l’I.R. 685 commandé par le major Paschke. La Poterie et ses environs sont occupés par la 1ère compagnie, commandée par l’Oberleutnant Huhn. Elle est composée d’une soixantaine d’hommes.
Sur le plateau, la position du radar Würzburg n’est protégée que par une mince clôture barbelée. En revanche, son périmètre immédiat est entouré par un épais réseau de barbelés de 1,50 de profondeur sur 70 centimètres de hauteur, pour ne pas interférer avec le faisceau du radar. La ferme de Theuville, toute proche des radars, abrite une station de télégraphie ou un soldat veille en permanence au téléphone. Une dizaine d’hommes occupent les divers bâtiments sous l’autorité d’un sergent.
La façade avant du “Château” et le Würzburg 110 fin 1941.
Un Funker examine le trou fait par la bombe qui visait l’emplacement initial du radar (celui-ci est visible à droite).
Non daté / © Alain Millet. Heimdal
TROIS HEURES POUR UN RAID ÉCLAIR
Prévu le 24 février 1942, le raid est finalement lancé dans la nuit du 27 au 28. A 22h15, le premier des douze Whitley décolle de l’aérodrome de Thruxton. Peu avant minuit, les opérateurs allemands des radars Freya et Würzburg repèrent l’approche des bombardiers sur leurs écrans de veille. Certains des Whitley sont accrochés par des tirs de DCA. Si les dommages sont mineurs, les actions d’évitement entraînent des largages approximatifs pour quatre des appareils. La belle mécanique du plan commence à s’enrayer. A 0h13, le sergent Sharp du groupe Nelson II atterrit sur la Drop Zone dans trente centimètres de neige, rejoint par les neuf hommes de sa section. A la Poterie, le Leutnant Huhn, de retour d’un exercice de nuit, aperçoit de la fenêtre de sa chambre, éclairé par la lune, un Whitley larguer un parachute blanc. Il donne l’alerte aussitôt.
Les reports successifs du raid
La date du raid est fixée dans la nuit du 24 au 25 février. Le matin, les hommes de la compagnie C vérifient une fois encore leur armement, tandis que les conteneurs d’explosifs, de matériel radio et d’armes lourdes sont envoyés sur l’aérodrome de Thruxton. Les parachutistes patientent jusqu’à l’heure du thé, puis attendent pour embarquer à bord des camions les emmenant à Thruxton. Mais un ordre du QG du général Browning reporte l’opération en raison d’une détérioration des conditions météorologiques. Les hommes, déçus, se préparent à passer une nouvelle nuit au camp de Tilshead. Le scénario de la journée du 24 se reproduit à l’identique le 25 et le 26 février pour les mêmes raisons.Le vendredi 27 les conditions météo s’améliorent. L’Admiral James donne le feu vert au Wing Commander Norman et au Major-General Browning. Celui-ci transmet immédiatement l’ordre au Major Frost, “the job is for tonight”. Les forces navales du raid sont les premières à partir. À 17h15, le Prins Albert franchit l’entrée de la rade de Portsmouth pour entrer dans la Manche et met le cap au sud-est. Il est précédé des destroyers Blencathra et Fernie, et suivi par les cinq Motor Gun Boat.
La façade avant du “Château” et le Würzburg 110 fin 1941.
Des sections de parachutistes embarquent à bord des Whitley. A 19h30, les parachutistes embarquent dans les camions et arrivent à l’aérodrome de Thruxton une heure plus tard. Ils se répartissent dans trois baraques Nissen où les attendent leurs parachutes alignés le long des murs. Les hommes mangent des sandwiches et boivent du thé, discutent nerveusement, jouent aux cartes ou vérifient leurs armes. Le Major Frost, accompagné du Captain Ross, du Sergent major Strachan et de l’interprète Peter Newman se rend auprès des sections pour les informer de leur destination “quelque part en France, juste de l’autre côté de la Manche” et leur souhaiter bonne chance. À 21h40, les sections s’avancent vers les bombardiers pour l’embarquement au son de la cornemuse.
Parachutistes embarquant à bord d’Armstrong Whitworth Withley Mark V du 297 Squadron RAF, Ringway, Non daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
LE VOL ET LE SAUT
Juste avant d’embarquer à bord du Whitley, le Major Frost apprend que la zone de l’opération est couverte de neige et que les défenses anti-aériennes allemandes sont sur le qui vive, agacées par les opérations de diversion. Ses officiers donnent les dernières consignes à leurs hommes : “en cas de capture, se débarrasser des armes et des uniformes, s’enfoncer à l’intérieur des terres et entrer dans des fermes loin des zones côtières”.
Un timing très serré
Boucle de dégrafage d’un parachute britannique de type X.
© J.-L. COQUEREL
Kit d’évasion
Une carte de France imprimée sur soie, des billets de banque français, et une boussole dissimulée dans un bouton.
© J.-L. COQUEREL
Liste des pilotes des 12 Whitley et les sections transportées par leurs appareils.
© J.-L. COQUEREL
Vue aérienne de la zone Bruneval La Poterie
Cette photographie a été utilisée au cours de l’instruction des parachutistes. On distingue clairement la villa et la ferme de Theuville sur la falaise, ainsi que la valleuse de Bruneval. La croix rouge indique le point où s’allume la lampe rouge “action station”, la croix bleu, le point pour la lampe verte “Go”.
DR
Des parachutistes sautent d’un Whitley.
Lors de l’opération Biting, aucun parachutiste ne se blessa lors de l’atterrissage. Le danger venait des containers MKI. Pesant entre 120 et 160 kilos, ils renfermaient les fusils et les Fusils Mitrailleurs Bren et risquaient d’écraser les hommes au sol. Dans l’avion, un câble reliait le container au cinquième parachutiste, qui tirait dessus lors du saut pour libérer le mécanisme de largage.
Sticks de parachutistes largués d’un Whitley. Ringway, Août 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Surnommé le “Brolly” (pépin),
ce parachute est utilisé lors du raid. Il est du type A MkI à ouverture automatique, mis au point en 1936. Ce modèle permet de diriger précisément les sauts, même à très basse altitude. Au sol, il se dégrafe très rapidement grâce à un petit boitier rond. Les Allemands étudieront très attentivement les modèles récupérés à Bruneval.
Un parachutiste replie son parachute, Ringway, Non-daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Parole de para
“J’étais le numéro 1 dans l’appareil…
…dès que la lumière verte s’est allumée j’ai sauté d’une altitude de quatre-vingt-dix mètres environ au dessus d’un sol couvert d’une épaisse couche de neige. On nous avait lâchés très bas, et avant même d’avoir retrouvé nos esprits, nous roulions déjà sur le sol”. Platoon Sergeant James Sharp, chef de la section Sharp (Nelson II).
“Nous n’étions pas très heureux de découvrir qu’il y avait de la neige sur le sol”. Private John Judge, mitrailleur de la section Muir (Rodney II).
“En quittant l’avion, je vis la neige sur le sol. Puis j’aperçu le caporal B.Walter. Il avait sauté devant moi. J’atterris dans une sorte de canal d’irrigation qui coupait la zone de saut par le travers. Je m’enfonçai dans la neige jusqu’à la taille. Walter dut m’aider à sortir de ce mauvais pas.” Coporal Ralph Johnston, section Forsyth (Rodney I).
“J’étais le 6e de la section à sauter. Pendant la descente, j’allais me cogner violemment contre le container, me blessant à la tête et à la mâchoire. Heureusement, j’étais resté conscient. Mais en atterrissant, je découvris que mon couteau de combat s’était fait la malle et que la jambe de mon pantalon était déchirée tout au long de la couture jusqu’en bas et que j’avais une entaille à la cuisse”. Private Richard Scott, mitrailleur section Forsyth (Rodney II).
UN ASSAUT SURPRISE
Une fois les armes et le matériel récupérés, les sections quittent la zone de rassemblement et prennent leur position de combat dans un silence absolu. Le Major Frost et les parachutistes de Hardy I et II se dirigent vers Lone House (Villa Gosset), tandis que Jellicoe menée par le lieutenant Young avance en direction du Würzburg. Parallèlement, les lieutenants Timothy et Naoumoff occupent leurs positions pour contrer d’éventuelles attaques allemandes.
Des effectifs réduits pour une attaque réussie
35 parachutistes sur 120 sont largués par erreur de l’autre coté de la valleuse de Bruneval.
La plupart participera à l’assaut contre Guard Room et Beach Fort après un long périple dans la neige. Les Allemands croiront ainsi à un assaut en tenaille de chaque côté de la valleuse.
© NOISE / FOND DE CARTE GOOGLE EARTH
À 00H15
À la Poterie, un peloton d’une quinzaine de fusiliers de la 1ère Compagnie de l’IR 685 rentre d’un exercice de nuit et se dirige aussitôt vers Theuville sous la conduite du lieutenant Huhn. En effet, les Allemands ont repéré les parachutistes. Les opérateurs des Freya et la petite garnison de la ferme de Theuville sont en état d’alerte.
Les sections du peloton Rodney commandées par le lieutenant Timothy prennent leur position pour empêcher les allemands de contre-attaquer des Freya, de la ferme de Theuville, de La Poterie ou de la valleuse de Bruneval. Mais il manque la section du sergent Reid, Rodney III, et la moitié de celle du sergent Lumb, Rodney IV. Le peloton Nelson est amputé de deux des sections d’assaut qui doivent prendre la plage. A l’est de la villa Gosset, Frost et les sections Hardy, Young et la section Jellicoe poursuivent parallèlement leur progression silencieuse vers leurs objectifs. Le lieutenant Vernon, le sergent Cox et les sapeurs attendent à l’abri dans un repli de terrain. Frost remonte vers la villa. Il voit Young et sa section progresser sur sa gauche à une centaine de mètres, vers le radar. Arrivés à Lone House, le groupe Hardy se scinde en deux. Frost et Hardy I se positionnent pour attaquer la villa par le porche d’entrée, tandis que le sergent-major Strachan prend position sur la terrasse côté sud. Le lieutenant Young et la section Jellicoe progressent rapidement vers leur objectif, “Henry”. A une centaine de mètres, ils distinguent autour du radar les silhouettes casquées de la section de la Luftwaffe du Sergent Wenzel. Les hommes de Jellicoe se déploient, leur pistolet mitrailleur Sten armé et des grenades dégoupillées en main.
Vue de la Villa Gosset (Lone House), coté Est.
Cette superbe villa appartient à la famille Gosset qui l’a fait construire à partir de 1925. Elle est baptisée “le Château” ou “le Manoir de la Falaise” par les habitants des environs, “Luftwaffehaus” par les Allemands, et “Lone House” par les Britanniques. À droite, on distingue le porche par où sont entrés le Major Frost et les hommes de Hardy I. A gauche la terrasse empruntée par le sergent major Strachan et la section Hardy II. C’est à proximité du porche que sera tué le soldat McIntyre.
Non daté / © COLLECTION ALAIN MILLET – HEIMDAL
Parachutiste en position de combat
Les parachutistes qui participent au raid sont très peu équipés et légèrement armés. Si certains sont dotés du nouveau modèle de Pistolet mitrailleur Sten MkII, d’autres doivent se contenter de l’antique fusil SLE Lee Enflied MKIII à armement manuel et de sa longue baïonnette. Ils sont également dotés de pistolet automatique Colt 45 A1 américain, d’une redoutable dague Fairbairn Sykes et de grenades offensives Mills N° 36. Les armes lourdes se limitent à une douzaine de fusils-mitrailleurs Bren, inefficaces face à des blindés contre lesquels sont prévus des mines antichars.
Scène d’entrainement à Ringway, Août 1942 /
Le Major Frost donne le signal de l’assaut général et souffle longuement dans son sifflet. La porte de la villa est ouverte. Il s’y engouffre et vide le chargeur de son Colt 45. Sur la terrasse, Strachan et ses hommes lancent leurs grenades à travers les portes-fenêtres. Frost explore rapidement les vastes pièces vides du rez-de-chaussée. Il grimpe le grand escalier qui mène au premier étage, suivi de quatre soldats. Ils entendent alors des coups de feu provenant de l’une des chambres qu’ils localisent très vite. Le Funker (radio) Paul Käfferbitz soutient ses camarades du Würzburg et tire sur les attaquants anglais. Il est abattu.Au coup de sifflet du major, le lieutenant Young a lancé l’attaque contre le radar. Après avoir lancé leurs grenades, le sergent McKenzie et ses hommes se ruent en hurlant sur la position allemande, sans cesser de tirer avec leurs Sten. Surprise par la soudaineté de l’attaque, la résistance allemande est faible et sporadique. Le caporal Senge et le sergent Wenzel sont tués. Le radio Willy Ermoneit vide son chargeur et se réfugie dans la ferme. Le Funker Heller jette son fusil et s’enfuit vers le bord de la falaise. Poursuivi par le sergent McKenzie et le lieutenant Young, il panique et bascule par-dessus le bord de la falaise, tombe dans le vide et se raccroche à une aspérité de roche. C’est là qu’il sera capturé.
Le Funker (radio) Heller fouillé lors de son transfert sur le Prins Albert dans l’après-midi du 28 février.
A sa gauche, le Schütze Tewes capturé pendant l’attaque de Beach Fort. Peu qualifié, Heller se montrera très coopératif durant ses différents interrogatoires. Recruté en 1939, il passe plus de temps en forteresse militaire qu’en service actif. Il rejoint la station d’Antifer à l’automne 1941. C’est l’interprète Newman qui lui arrachera ses pattes d’épaule et découpera l’aigle à croix gammée que Heller arborait sur le côté gauche de sa vareuse. La déchirure du pantalon provient certainement de sa chute de la falaise.
Non daté / © COLLECTION ALAIN MILLET – HEIMDAL
Alors que les parachutistes d’Hardy quittent la villa, l’un des mitrailleurs du lieutenant Huhn tire avec sa MG34 depuis la ferme, blesse le caporal Heslop à la cuisse et tue le 2ème classe McIntyre.
Portrait
Le sergent Gregor McKenzie
Sergent de la section Jellicoe, il joue un rôle clé dans la prise du Würzburg et sera décoré à ce titre de la “Military Medal” avec la citation suivante :“Durant un raid sur la côte française à Bruneval dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 février, ce sous-officier commandait une petite section chargée de réduire la défense ennemie de la station de radiolocation. Cette mission fut accomplie avec succès. Au cours de l’opération, il fit preuve notamment d’autorité, d’enthousiasme, et en particulier d’une forte détermination dans l’accomplissement de sa tâche. Il a montré une grande bravoure face au feu”. © paradata
Parole de para
“J’entends des déclics tout autour de moi…
…mes hommes libèrent le cran de sureté de leur arme. Je retire la goupille de ma grenade, je lève ma mitraillette en disant tout bas : – Ne tirez pas ! … Attendez ! … – Nous continuons à avancer très lentement. Les Allemands sont toujours là, semblables à des fantômes immobiles. On dirait qu’ils ont pris racine dans la terre…” Lieutenant Peter Young Commandant du groupe Jellicoe.
LE DÉMONTAGE DU RADAR ET LE REPLI
Une fois la position du radar occupée et sécurisée, le lieutenant Vernon envoie un parachutiste chercher le Flying-Sergeant Cox et les sapeurs du génie pour démonter les pièces essentielles du Würzburg. Ceux-ci découvrent alors une parabole d’environ trois mètres de diamètre, dotée d’un dipôle. L’ensemble repose sur un plateau installé dans un encuvement protégé par des sacs de sable. Sur le côté du radar, une petite cabine de bois abrite les appareils de mesure et le poste de l’opérateur.
Les sapeurs du génie sous le feu
Une fois le Sergent Cox et les hommes du génie arrivés près du Würzburg, ils sont rejoints par les cinq parachutistes de la section Nelson IV.Le lieutenant Vernon assigne à chacun des tâches spécifiques.En priorité, il donne l’ordre au sapeur Halliwell de monter sur la parabole afin de scier l’antenne et le réflecteur métallique situés au centre. Puis Cox et Vernon examinent en détail l’armoire située derrière le Würzburg où ils découvrent trois boitiers métalliques. S’ils parviennent à démonter sans peine ceux qui renferment l’amplificateur à moyenne fréquence et le générateur d’impulsions, l’émetteur résiste fermement. Le sapeur Jones renonce alors au tournevis et utilise un marteau et un pied de biche.Cox et Jones finissent par arracher l’émetteur et son cadre.Celui-ci renferme l’un des éléments essentiels, le commutateur reliant l’émetteur au récepteur. Le sergent Cox prend des notes et fait des croquis à la lueur de sa lampe torche, tandis que le lieutenant Vernon prend des photos avec son Leica.
Le Flying-Sergeant Cox, le deuxième à droite avec le caporal Jones du génie
Cox fait un rapport à bord du Prins Albert sur le raid à Sir Nigel Norman, commandant en chef des forces aériennes de l’opération. Plusieurs spécialistes des radars s’étaient portés volontaires pour la mission dont Reginald Jones et Donald Priest. Le sergent Charles Cox est choisi. Il est l’un des meilleurs techniciens radar de l’époque. Il sert sur une station de la Chain Home Low à Hartland Point dans le Devon. Convoqué le 1er février 1942 au Ministère de l’Air, il est expédié à Manchester pour être breveté parachutiste, sans connaître la nature de sa mission.
Non daté / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Radar Würzburg, vue arrière
“Je remarquais quelques écritures et des signes sur l’intérieur de la parabole[…] J’examinais ensuite l’arrière. J’y découvrais une grosse boite métallique[…] Haute d’un mètre cinquante, large d’un mètre et profonde d’une soixantaine de centimètres, elle renfermait les organes électriques. Elle était close par deux portes métalliques qu’un épais rideau de caoutchouc protégeait des intempéries[…] Je notais que la machinerie permettait à la parabole de tourner verticalement et horizontalement.” Lieutenant Dennis Vernon, Royal Engineers.
Parallèlement le Major Frost, le sergent Cox et les sapeurs du génie descendent vers Bruneval. Ils abandonnent deux des chariots, trop lourds, et emportent les pièces du Würzburg dans leurs bras. Ils poursuivent leur descente quand soudain une voix crie en anglais : “Les bateaux sont là, pas de problème ! … descendez !…” Mais la colonne est prise pour cible par les fusiliers de Treinies. Le sergent-major Strachan, atteint de sept balles, dont trois dans l’estomac, s’écroule dans la neige. Une balle blesse le caporal du génie Heard, tandis qu’une autre traverse le cadre métallique que porte le sergent Cox. Frost met ses hommes à l’abri quand un agent de liaison de Timothy l’informe que les Allemands réoccupent Lone House et progressent sur le plateau.
Portrait
Lieutenant John Timothy
“Nous marchions pour prendre nos positions […] Mon groupe était à l’arrière avec pour mission de nettoyer les poches de résistance allemande, ce qui occasionna quelques sérieuses escarmouches. Le seul problème, était que certaines de nos radios étaient restées dans les containers égarés et que celles que nous avions ne fonctionnaient pas. Nous devions donc utiliser des estafettes pour communiquer avec le Major Frost tandis que nous affrontions les Allemands”. 1942 © paradata
Le Major rassemble une quarantaine d’hommes au sommet de la falaise pour balayer les fusiliers du lieutenant Huhn qui se replient vite vers Rectangle. Frost amorce de nouveau sa descente vers la plage quand il entend le capitaine Ross crier : “Ne descendez pas ! La plage n’est pas prise !”. Au pied de la falaise d’amont une trentaine de parachutistes répartis en deux groupes sont maintenant retranchés au dessus de la route menant à la plage en face de la villa Stella Maris. Au moment où une puissante explosion détruit les restes du Würzburg, des cris en gaélique se font entendre de l’autre côté de la valleuse.
Deux photos superposées
Le lendemain du raid, les spécialistes du PIU découvrent que la première photo prise par Dennis Vernon est superposée à un cliché pris dans le camp de Tilshead. Sur la deuxième photo, on distingue des marquages du Würzburg avec des dates et des silhouettes d’avions.
DR
Parole de para
Je commençais par l’examen de l’antenne […]
…le long bras cylindrique qui partait du centre de la parabole. Je notais que l’on pouvait le démonter facilement avec une barre à mine car il n’était arrimé à la parabole que par l’arrière. A l’extrémité de ce bras se trouvait un curieux réflecteur en tôle, large de quinze centimètres et long d’environ quatre-vingt-quinze, soit environ le double de la longueur d’onde d’émission de l’électronique. Il était en position verticale, mais les opérateurs avaient la possibilité de le faire tourner sur 90° jusqu’à l’horizontale afin de trouver la meilleure polarisation et donc le signal le plus puissant.Lieutenant Dennis Vernon, Royal Engineers”.
LES SECTIONS ÉGARÉES
Déstabilisés par les tirs de la DCA allemande, quatre Whitley larguent leurs sticks à environ trois kilomètres au sud de la Drop Zone, de l’autre côté de la valleuse de Bruneval. Les sections atterrissent dans une zone comprise entre La Garenne, les hameaux de Sourdeval et l’Enfer, non loin du village de Saint-Jouin-sur-Mer. Trente-cinq parachutistes égarés se mettent en marche, en ordre dispersé pour tenter de rejoindre leurs camarades.
Des largages hasardeux
Le commandant Pickard lâche le lieutenant Charteris et Nelson I sur le lieu-dit La Garenne, un champ situé entre la falaise et la route de Saint-Jouin à Bruneval. Pendant que la section récupère ses armes, Charteris comprend qu’il est tombé du mauvais côté de la valleuse.
Portrait
Lieutenant Charteris
“Dès que je me fus débarrassé de mon parachute, je mis le plan en pratique. Je commençais à avancer en direction de la mer […] Mais la vallée près de laquelle nous avions atterri était semblable à celle que nous devions emprunter selon le plan, mais il n’y avait pas de rangée d’arbres à l’endroit où il aurait dû y en avoir une. De plus, la vallée n’était pas assez profonde. Point n’est besoin de dire que ce fut là un sacré moment […] Il n’est rien de plus déplaisant que de se retrouver soudain en territoire ennemi et de ne pas savoir où l’on est. Je me sentais perdu. On ne voyait ni maison, ni bois et je n’avais pas la moindre trace de mon aide de camp.”Le lieutenant Charteris sera tué en Tunisie en décembre 1942. © NICOLAS BUCOURT HEIMDAL
À la même heure, le sergent Grieve et Nelson IV atterrissent près de Saint-Jouin, entre les hameaux de l’Enfer et de Sourdeval, encore plus loin de l’objectif. Si les cinq premiers parachutistes sautent groupés, les cinq suivants tombent de façon isolée. Ainsi le sergent Grieve et le caporal Stewart chercheront leurs hommes en vain, armés seulement d’une Sten, d’un Colt 45 et de quelques grenades. Les huit autres parachutistes se regroupent, mais ne trouveront jamais le container renfermant leurs armes.
Portrait
Sergent David Grieve
À 00H25
Le douzième Whitley, le “X” avec à bord le sergent Lumb et Rodney IV arrive au-dessus de la falaise d’aval de Bruneval. Seuls les cinq premiers parachutistes sautent : le sergent Lumb, le caporal Campbell, les private Frank Embury, George Cornell et Alan Scott non loin de la côte 102. Ils récupèrent les containers avec les armes et le poste émetteur W18 pour contacter la Royal Navy. Le Bren en batterie, la radio branchée, le sergent Lumb et le caporal Campbell laissent leurs hommes à la recherche du reste de la section.
À 00H26
Le Whitley “M” largue le sergent Reid et Rodney III sur le haut de la Garenne, plus à l’ouest vers la mer, trompé par les troupes au sol. Après avoir croisé Charteris, Reid descend vers la valleuse de Bruneval où il se joint au sergent Grieve et au caporal Stewart de Nelson IV. Charteris et ses hommes poursuivent leur progression, mais ils essuient des tirs allemands de la ferme Beuzelin située sur les hauteurs de Bruneval. Au cours de ce tir, le caporal Sutherland est gravement blessé au bras. Ce sont les fusiliers de l’Oberfeldwebel Vormschlag qui ont quitté l’hôtel Beauminet pour occuper la côte 102 sur la falaise d’aval. Après avoir riposté, Charteris bifurque sur la droite et emprunte la route départementale menant au village de Bruneval. Là un Allemand isolé, le fusilier Adolf Schmitz, engage la conversation avec le Private McCormack qui ferme la marche, trompé par la forme du casque. Il s’en suit un échange de tir au cours duquel Schmitz est tué. Celui-ci est laissé à l’abri d’une ferme toute proche. Charteris atteint l’intersection Saint-Jouin, Bruneval, La Poterie. Mais après avoir traversé la route, une patrouille allemande ouvre le feu et disperse le reste de sa section. Le lieutenant et trois de ses hommes découvrent enfin Rectangle et Lone House. Ils croisent le lieutenant Timothy qui les informe que le repli a commencé. Il se dirige alors vers Redoubt où il retrouve le Major Frost. Celui-ci l’envoie renforcer les sections Drake et Jellicoe pour l’assaut contre la plage.
De multiples escarmouches.
Au cours de leur périple pour rejoindre leur objectif, les parachutistes égarés vont se heurter aux patrouilles allemandes au cours de brêves escarmouches.
Parachutiste britannique en action, Ringway, 1942 / © IMPERIAL WAR MUSEUM
Les réactions allemandes.
Dès le parachutage britannique, l’Oberleutnant Huhn ordonne à l’Oberfeldwebel Vormschlag cantonné dans l’hôtel du Beauminet d’envoyer ses deux escouades occuper les hauteurs de la falaise d’aval. Les Allemands pensent que les parachutistes largués par erreur de l’autre côté de la valleuse de Bruneval ont pour objectif de les prendre en tenaille.
Une section de soldats de la Werhmacht, 1941 / © BArch, bild 101 I – 133 – 0703 – 01
Trois des parachutistes
largués de l’autre côté du vallon faits prisonniers le matin du 28 février. Au premier plan, le Pte John Willoughby (Nelson IV), suivi du Pte Daniel Thomas et du L/Cpl John Mc Callum, de la section Rodney II, opérateur radio d’un poste W. 18. Ils descendent les escaliers de la villa Orphée à Étretat. À droite le Hauphman Prinz von Preussen, commandant en chef de la compagnie de repérage de la Luftwaffe.
© COLLECTION J.-P. DUBOSC
À plusieurs centaines de mètres de là, de l’autre côté de la valleuse, les sergents Reid et Grieve butent sur les barbelés qui protègent les arrières de Beach Fort et Guard Room. Reid met ses deux signaleurs, David Thomas et John McCallum à l’abri avec le poste radio W18, tandis que ses hommes ouvrent une brèche. De l’autre côté, les lieutenants Charteris, Young et Naoumoff élaborent un plan d’attaque. Charteris, le sergent McKenzie et le sergent Gibbins se laisseront glisser sur la route de la plage. De là, ils tenteront de pénétrer dans la Villa Stella Maris par l’une des portes. Les groupes Drake et Jellicoe les protégeront par un tir nourri et des jets de grenades. En face, le sergent Treinies attend l’attaque avec ses six hommes. Le fusilier Georg Schmidt reste de garde dans la villa Stella Maris, près du téléphone. L’Oberschütze Hörmandinger et l’Obergefreiter Max Arndt couvrent avec leur fusil et des grenades à manche le flanc sud et sud-ouest. Treinies envoie deux fusiliers occuper la longue tranchée montante protégeant le flanc est. Puis, avec deux autres soldats, dont le fusilier Tewes, il prend position avec le FM Châtellerault au sommet du dispositif, dans un abri situé derrière le flanc ouest de Beach Fort.
Mouvements des troupes britanniques et allemandes après la prise du radar
La Wechmacht met du temps pour évaluer l’ampleur de l’attaque des parachutistes. La complexité de la chaîne de commandement allemand explique les réactions à la fois tardives et dispersées.
L’ATTAQUE DE GUARD ROOM ET BEACH FORT
Le lieutenant Charteris s’apprête à lancer son assaut, quand, de l’autre côté de la valleuse retentit le cri de guerre des Seaforth Highlanders, suivi de rafales de Bren et d’explosion de grenades. Les dix parachutistes des sergents Reid et Grieve se ruent dans la brèche prenant l’Unteroffizier Treinies à revers. Charteris lance deux volées de grenades à travers les fenêtres de Guard Room, la villa Stella Maris, puis se laisse glisser sur la petite route qui conduit à la plage.
Les combats pour la plage : les Allemands résistent
Mitrailleur allemand tirant avec une MG 34
1942 / © BArch, bild 101 I – 274 – 0498 – 15
Assaillis de tous côtés, les Allemands se replient sur une position défensive. Tandis que le fusilier Tewes court chercher des munitions dans la villa, le Soldat Arndt et l’Oberschütze Hormandinger occupent les positions nord. Couverts par les sections de Young et Naoumoff, toujours en position au bas de la falaise d’amont, le lieutenant Charteris, les sergents McKenzie et Gibbins, ouvrent les cabines de bain puis débouchent sur la plage. Ils longent la villa sur leur droite, jusqu’au pied de l’escalier qui monte vers la falaise côté sud. Pendant ce temps, les hommes de Jellicoe et Drake continuent de lancer des grenades et à tirer avec leurs Bren. De leur côté, sur la falaise d’aval, les sergents Grieve, Reid et leurs hommes poursuivent leur attaque sur les tranchées et les ouvrages défensifs de Beach Fort. L’un des parachutistes poignarde de sa dague le fusilier Arndt dans son trou d’homme, tandis que le sergent Grieve lance une grenade dans la position occupée par l’Oberschütze Hormandinger, le blessant très grièvement.
Portrait
Vue de la villa Stella Maris (Guard Room) prise de la plage de Bruneval
Cette curieuse bâtisse de style mauresque construite à la fin du XIXème siècle, sera fortifiée par les Allemands dès l’été 1941. Ils érigent un mur de 2,50 m de haut, percé de quatre meurtrières sur la terrasse et enserrent le bas de la villa d’un réseau de barbelés. Sur la droite un escalier permet d’accéder à la falaise où se situe Beach Fort, à quelques dizaine de mètres en hauteur. Non daté © PARADATA
Au même moment, Charteris et ses hommes gravissent les marches de l’escalier le long de la façade sud et pénètrent dans la villa. Dans une pièce obscure au fond d’un long couloir, ils capturent le fusilier Georg Schmidt qui se rend sans résister. En face sur l’autre flanc de la valleuse, le Major Frost tente d’entrer en contact avec la Royal Navy à l’aide d’une lampe bleue, mais sans succès. Il lance alors le signal de la retraite en direction des deux sections du lieutenant Timothy qui se replient en bon ordre. Il est 1h20, lorsque Frost rejoint les sapeurs à mi-pente de la falaise et emmène ses hommes vers la plage. Dans Beach Fort, la résistance du sergent Treinies et ses hommes faiblit et lorsque leur fusil-mitrailleur s’enraye, ils lancent une dernière volée de grenades et se replient vers le haut de la valleuse. La section du capitaine Ross et les hommes du sergent Sharp descendent de la falaise d’amont sur la route de la plage et la remontent sur 300 mètres pour prendre Beach Fort à revers. Là, ils font leur jonction avec le lieutenant Charteris et le sergent McKenzie, ainsi qu’avec Grieve et Reid. En explorant les tranchées et les abris, Charteris découvre le Schütze Tewes, le troisième prisonnier allemand du raid.
Le fusilier Georg Schmidt à bord du Prins Albert.
Au moment de l’attaque du lieutenant Charteris, Schmidt reste près du téléphone en communication avec le Major Paschke, le commandant de la 1ère compagnie de l’IR 685. Très énervé, celui-ci lui demande de faire moins de bruit. Schmidt a beaucoup de peine à lui expliquer qu’il s’agit de grenades anglaises qui explosent.
Les parachutistes se regroupent maintenant sur la plage, toutes sections confondues. Il reste alors à contacter la Royal Navy pour organiser le rembarquement dans les meilleurs délais. Jusqu’à présent aucun des trois postes radio 38 n’a fonctionné entre les sections et le capitaine Ross a besoin des postes 18 pour contacter la Navy. Mais il est sans nouvelles des opérateurs et des deux postes radio. Les private David Thomas et John McCallum de la section Nelson III ont disparu, ainsi qu’Alan Scott, l’opérateur de la deuxième radio, George Cornell et Frank Embury de la section Rodney IV.Le Major Frost craint une forte contre-attaque allemande et commence à organiser la défense de la plage. John Ross tente en vain de joindre la Navy avec les postes émetteurs 38. Il essaye alors avec la balise Eurêka, le dispositif pour guider les ALC vers la plage, mais sans succès. Frost décide d’utiliser de nouveau sa lampe bleue. Il n’obtient aucune réponse. Il demande alors à John Ross d’envoyer deux fusées vertes avec le pistolet Verey, une vers le Nord, l’autre vers le sud. Il est 2H30 du matin.
Portrait
Le caporal Tommy Hill
UN RETOUR VICTORIEUX
La flottille de la Royal Navy stationne à peine à 300 mètres de la plage de Bruneval, attendant le signal des parachutistes pour accoster. Mais celle-ci a croisé au large de Fécamp quatre bâtiments de la Kriegsmarine allemande qui poursuivent leur route sans les repérer. Le capitaine de corvette Cook reste sur ses gardes et ne répond pas aux deux fusées vertes lancées par le capitaine Ross, ignorant si la plage a été prise ou pas.
Un rembarquement chaotique
02H30 DU MATIN
Cook donne l’ordre aux deux premières ALC chargées de récupérer les sections Jellicoe, Hardy et Drake de s’approcher de la grève. Elles sont escortées par deux péniches de soutien, (LCS). La marée est au plus bas et les rochers affleurent à la surface. Le vent se lève et des vagues se forment. Sur la plage, un parachutiste crie : « Major ! Les bateaux arrivent ! Dieu bénisse cette foutue Marine.” Alors que les deux ALC touchent le bord, l’un des récepteurs de bord d’une LSC finit par capter un message lancé par une radio avec le nom de code « Brood » appelant toutes les péniches à accoster. Celles-ci abordent la plage simultanément et de front, au lieu de deux par deux comme le prévoit le plan. Au même moment les Allemands retranchés dans les bois de la pente d’aval et près de la côte 102 ouvrent le feu avec leurs MG 34. En parallèle les hommes du lieutenant Huhn, renforcés par d’autres compagnies d’infanterie arrivent à la lisière du plateau au sommet de la falaise d’amont. Ils mettent leurs armes lourdes en batterie, mitrailleuses et mortiers de 50 mm et commencent à arroser la plage. Les troupes de soutien à bord des ALC et des LCS répliquent avec leurs fusils mitrailleurs et balayent d’un feu nourri les positions allemandes. Les cinq Motors Gun Boat s’approchent de la côte et certaines tirent à leur tour.
Un des Assault Landing Craft se prépare à aborder le Prins Albert
À son bord, des hommes des troupes de soutien.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
Sur la plage, les échanges de tirs se poursuivent lorsque les premières ALC abattent leur rampe. Les huit blessés sont d’abord embarqués à bord. Ils sont suivis du sergent Cox, des sapeurs chargés des pièces du radar, de l’interprète Newman et de deux des trois prisonniers Heller et Tewes. Puis les hommes de Jellicoe, Drake et Hardy s’avancent dans l’eau glacée et se répartissent tant bien que mal à bord des péniches que les pilotes cherchent à dégager au plus vite pour gagner la haute mer.
Frost donne le signal de l’embarquement général pour le reste des pelotons, mais celui-ci est chaotique. Une péniche s’échoue, une autre tombe en panne, des hommes tombent à l’eau ou se blessent. Certaines repartent presque à vide, d’autres surchargées. Les ALC rejoignent les Motors Gun Boat. Les blessés sont transférés en priorité à bord de la MGB 312, ainsi que Cox, les sapeurs du génie avec les pièces du Würzburg, deux prisonniers et une vingtaine de parachutistes. La vedette rentre alors à pleine vitesse à Portsmouth.
Des parachutistes et des marins de la Royal Navy à leur arrivée à Portsmouth.
Les vedettes mettent plus de 16 heures pour traverser la Manche, toutefois sans encombre.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
03H15
John Frost et les derniers parachutistes montent à bord de la MGB 317. Le Major à peine monté, Cook qui venait de rejoindre la vedette remarque que quelqu’un émet le signal “F” de la plage. Mais il est trop tard pour récupérer les six retardataires, alors que les Allemands investissent la valleuse de Bruneval avec des renforts venus de tous les environs.
La MGB 317 à son arrivée à Portsmouth avec à son bord une vingtaine de parachutistes de la Compagnie C
Le Major Frost est à gauche sur le kiosque de la vedette.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
03H35
Une fois les parachutistes à leur bord, les MGB prennent chacune en remorque deux ALC et mettent le cap sur Portsmouth, escortées par les cinq chasseurs de sous-marins des Forces Navales Françaises Libres. Loin en avant la MGB 312 file à plus de 20 nœuds vers Portsmouth. A bord, Cox et Vernon montrent au Flight-Lieutenant Donald Priest, l’expert en radiolocation du Telecommunication Research Establishment, les éléments capturés. Le commandant de la vedette envoie alors le message “Maple”, informant le QG des Opérations Combinées que le raid est un succès et les pièces du radar ennemi à bord, “l’exemplaire était complet et parfait”.
08H00
Dès le lever du jour, des chasseurs Spitfire du N°11 Group patrouillent au dessus de la Manche pour couvrir la flottille. A 8H15, le Commander Cook informe le commandant-en-chef de l’opération, l’amiral James que le raid est un succès et que tous les bâtiments rentrent au port.
10H00
La MGB 312 entre dans le port de Portsmouth, débarque les blessés puis va se ranger le long du Prins Albert à l’ancre depuis 2h40 du matin.
16H30
16H30. La flottille approche du port. Sur les MGB les paras écoutent la BBC, le journal de la mi-journée qui annonce le succès du raid.
18H00
Les hommes du Major Frost sont à bord du Prins Albert, rejoignent les pilotes et les hommes d’équipage des Whitley fêtés comme des héros sous l’œil attentif des journalistes et des caméras.
Le commandant Pickard entouré des parachutistes de Bruneval
Il examine un trophée à bord du Prins Albert. Les équipages des Whitley quittent l’aérodrome de Thruxton dans la matinée du 28 pour rejoindre Portsmouth. Après avoir largué les parachutistes, les Whitley essuient les tirs des bateaux-flaks au large d’Yport et de Fécamp et reprennent leur route en ordre dispersé vers les côtes de l’Angleterre. À 1h34, un premier bombardier, celui du sergent Pelever se pose à Thruxton. Les autres suivent isolés ou en groupe. Le dernier se pose à 2h55.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
LE SOIR DU 28 FÉVRIER
Les hommes de la compagnie C, harassés mais euphoriques rentrent au camp de Tilshead. Ils bénéficieront d’une permission de deux semaines. Le sergent Charles Cox et le lieutenant Dennis Vernon se rendent au Ministère de l’Air où les attend l’Air Commodore Tait et les pièces du Würzburg pour un premier débriefing.
Portrait
Kenneth Holden
APRÈS LE RAID
L’opération Biting est un incontestable succès sur le sur plan militaire. Les Britanniques dénombrent deux tués, sept blessés et six parachutistes capturés. Côté allemand, il y a cinq morts et trois prisonniers dont l’un des opérateurs du radar. Les scientifiques exploiteront au mieux les données concernant le Würzburg A et mettront ainsi au point des systèmes de leurres et de brouillage qui se révéleront essentiels dans la poursuite des opérations militaires.
Le destin des hommes de la C Company
Sept parachutistes qui ont atterri du mauvais côté de la valleuse de Bruneval ne parviendront pas à rembarquer. Sutherland, le blessé du groupe Charteris, réfugié dans la ferme des Echos sera capturé par une patrouille allemande le matin du 28 février. Par ailleurs, trois parachutistes sont restés cachés sur la pente de la falaise d’aval pour se mettre à l’abri des tirs allemands. Il s’agit de John Willoughby, du caporal John McCallum et du private David Thomas. Ils tentent bien de rejoindre la plage, mais ils sont pris entre le feu des MG34 allemandes et celui des mitrailleurs des troupes de soutien à bord des ALC. Ils parviennent sur la grève mais ne peuvent qu’assister impuissants au départ des péniches. Deux autres parachutistes arrivent à leur tour sur la plage, Frank Embury et George Cornell. Eux aussi voient les péniches s’éloigner et après une brève conversation avec leur camarades Thomas et McCallum, ils décident de s’enfoncer à l’intérieur des terres. Le troisième parachutiste, le private Alan Scott, dans un moment de panique et évaluant mal les distances, fait une chute d’une quarantaine de mètres et s’écrase sur la plage où il agonise plusieurs heures. Cornell et Embury se réfugient d’abord dans une grange près du village du Tilleul, puis seront pris en charge par des habitants jusqu’au 6 mars, dont les Duflo et les Lechevallier. Ils se cachent ensuite au Havre, puis sont convoyés par le couple Lajoye-Régnier, qui de Paris, les conduiront jusqu’à Tours pour franchir la ligne de démarcation dans les environs. Ils se font arrêter par les Allemands le 9 mars et rejoindront leurs camarades au camp de Lamsdorf. Maurice Lajoye sera déporté à Buchenwald, puis Dachau, tandis que sa compagne le sera à Ravensbrück. Tous deux survivront.
Vers 8h30, une patrouille de la Luftwaffe capture Thomas, Willoughby et McCallum
On les voit ici dans la cour de l’hôtel du Beauminet avant leur transfert à Étretat, puis Paris, Frankfort et Berlin où ils seront intérrogés. Ils termineront la guerre dans un camp de prisonniers à Lamsdorf en Pologne.
© ALAIN MILLET VIA LECHEVALLIER
Les réactions allemandes
Dans son rapport établi le jour même du raid, le général Stever, commandant de la 356e Infanterie Division, rapporte : “Sans doute l’opération était-elle destinée à enlever les trois appareils d’écoute. Pour couvrir la retraite, il fallait prendre la vallée de Bruneval. On peut distinguer trois groupes de saut chargés de missions différentes :
1er groupe : enlever les appareils ;
2e groupe : pénétrer dans la vallée de Bruneval par les hauteurs qui la dominent au Nord ;
3e groupe : pénétrer dans la vallée de Bruneval par la côte 102 au Sud.”
© J.-L. COQUEREL
La Compagnie C du Major Frost sautera en Tunisie en novembre 1942, participera à la campagne d’Italie et connaîtra un destin tragique à Arnhem en Hollande en septembre 1944. Une trentaine de vétérans de Bruneval survivront à la guerre.
Le jour même du raid
la BBC annonce le succès de l’opération, sans en dévoiler l’intention. Le secret sera gardé jusqu’à la fin de la guerre. Les journaux donneront une large couverture à l’événement, démontrant le mordant des troupes britanniques.
© COLLECTION ALAIN MILLET
Les enseignements du raid
Les pièces du Würzburg et le Funker Heller sont d’abord expédiés au Quartier Général du M.I 6, le service de renseignement aérien. Là, le Squadron Leader Denys Felkin, Reginald Jones et le sergent Charles Cox étudient minutieusement les éléments du radar. Quelques jours plus tard, les pièces du Würzburg sont transportées au Telecommunication Research Establishment à Worth Matravers. L’étude dure près de quatre mois et confirme la qualité et la fiabilité du matériel utilisé par les Allemands, notamment la stabilité de la fréquence d’émission. Les Britanniques découvrent que Henry avait une portée de 40 kilomètres, qu’il était précis et qu’il émettait sur les mêmes fréquences que les appareils de la RAF, permettant aux opérateurs allemands de repérer les avions alliés bien au-delà de la portée normale de leurs radars. Les Britanniques recoupent leurs informations et en concluent que les Allemands installent en Europe occupée une large ligne de défense, la “ligne Kammhuber” qui s’appuie très largement sur les radars Würzburg. Ces découvertes permettent aux Britanniques de concevoir des procédés de brouillage électronique et des systèmes de leurre efficaces. Les premières applications se font lors du raid de Dieppe le 19 août 1942. Les Britanniques mettent également au point des bandes d’aluminium, les Window, capables de saturer les écrans de veille des radars allemands. Cette technique sera utilisée pour la première fois lors d’un raid de bombardiers alliés sur Hambourg en juillet 1943.
Les hommes de la 181 Field Ambulance
de retour de Bruneval, au camp de Bulfond.
© PARADATA
Les leurres Window
Lors du débarquement du 6 juin 1944, les alliés utiliseront les Window afin de brouiller les radars installés entre Fécamp et le Cap d’Antifer pour simuler l’approche d’une importante flotte de débarquement. Parallèlement, près de 260 navires équipés de matériel électronique brouillaient les radars allemands de la baie de Seine.
Au cours d’un raid de plus de 1 000 bombardiers alliés sur la ville allemande d’Essen, un AVRO Lancaster largue un nuage de leurres Window.
© IMPERIAL WAR MUSEUM
Le raid, dit de “Bruneval” est un incontestable succès aux heures les plus sombres de la seconde Guerre Mondiale. Malgré les erreurs de parachutage de la RAF, les difficultés de rembarquement de la Navy, ou les problèmes de communication radio des parachutistes, ce raid audacieux démontre l’efficacité des Opérations Combinées et surtout la valeur de ces toutes nouvelles forces aéroportées.